Ed. de Minuit 2016. Pages 212.
Résumé: Mercier et Camier nous invitent au voyage. La contrée qu'ils vont
parcourir, une île jamais nommée, est parfaitement reconnaissable. C'est
l'Irlande, merveilleusement décrite ici, avec ses landes de bruyères,
les jetées de ses ports lancées vers le large pour enlacer la mer, ses
sentiers parmi les tourbières, les écluses du canal de Dublin, tout un
paysage si cher à Samuel Beckett et si souvent présent en filigrane dans
toute son œuvre. Le but du voyage de Mercier et Camier n'est guère
précis. Il s'agit " d'aller de l'avant ". Ils sont en quête d'un
ailleurs qui, par nature même, s'abolit dès qu'il est atteint. Leurs
préparatifs ont été extrêmement minutieux, mais rien ne se passe tout à
fait comme prévu. Il faut d'abord parvenir à partir ce qui n'est jamais
une mince affaire. Il faudra ensuite rebrousser chemin pour moins mal se
remettre en route derechef. Il pleuvra énormément tout au long du
voyage. Ils n'ont qu'un seul imperméable à se partager et, après maints
efforts, leur parapluie refusera définitivement de s'ouvrir. Leur unique
bicyclette va bientôt être réduite à peu de chose : on a volé les deux
roues. Cependant, mille embûches ne peuvent les faire renoncer à quitter
la ville. Mercier et Camier vont nous entraîner par monts et par vaux,
et d'auberges en troquets où le whisky redonne courage. C'est qu'il faut
du courage pour affronter leurs rencontres souvent périlleuses avec des
personnages extravagants, cocasses ou inquiétants, voire hostiles, au
point qu'un meurtre sera commis. De quiproquos en malentendus, de
querelles en réconciliations, ainsi va le constant dialogue entre
Mercier et Camier qui devisent et divaguent chemin faisant. Mercier et
Camier sont unis dans l'épreuve et, si différents que soient leurs
caractères, ils semblent à jamais indissociables. Cette solidarité
survivra-t-elle aux péripéties du voyage ? Où vont-ils aboutir et
peuvent-ils demeurer inchangés au terme d'une pérégrination si
mouvementée ?
La 7 de la page 7: "C'est une averse, plus ou moins prolongée, dit Mercier."
"Mercier et Camier" est une oeuvre de Samuel Beckett, écrite en français par l'auteur et dramaturge irlandais. Si il est écrit en 1946, le roman ne sera pas publié avant 1970.
Dès le départ, on ressent bien la patte de Beckett: deux personnages qui se cherchent sans se trouver alors qu'ils sont déjà, tout deux, présents. Ca nous rappelle quelque chose.
La dualité du texte de "Mercier et Camier" est, elle aussi, propre à Beckett. On entre dans l'absurde et une réalité violente nous est offerte grâce à des métaphores dures qui dépeignent une réalité cruelle. Beckett est habile et nous envoie son message de manière cachée et pourtant tellement claire.
L'écriture de l'auteur irlandais est exigeante et demande de la concentration à son lecteur. Beckett l'oblige à sortir de ses habitudes de lecture et de sa structure narrative plus conventionnelle.
Mercier et Camier errent sans savoir réellement pourquoi, comme chacun d'entre nous. La destination, en elle-même, ils l'ignorent mais ils continuent quand même, inlassablement. Allégorie de la vie s'il y en a. Dans ce roman de Beckett, on rencontre des personnages burlesques et pourtant touchants par leur humanité. Où commence Mercier et où termine Camier, nous ne le saurons sans doute jamais. Un roman atypique sur deux êtres qui ne le sont pas moins. L'absurdité de l'être et de ses fondements, avec douceur et poésie. Un très bon moment de lecture.
Extrait: "Assis au comptoir, ils devisèrent de choses et d'autres, à bâtons rompus, suivant leur habitude. Ils parlaient, se taisaient, s'écoutaient, ne s'écoutaient plus, chacun à son gré, et suivant son rythme à soi. Il y avait des moments, des minutes entières, où Camier n'avait pas la force de porter son verre à sa bouche. Quant à Mercier, il était sujet à la même défaillance."
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