vendredi 8 janvier 2016

"Être sans destin" de Imre Kertész


“Être sans destin” de Imre Kertész
Ed. 10/18 2004. Pages 367.
Titre Original: “Sorstalansag”

Résumé: De son arrestation, à Budapest, à la libération du camp, un adolescent a vécu le cauchemar d'un temps arrêté et répétitif, victime tant de l'horreur concentrationnaire que de l'instinct de survie qui lui fit composer avec l'inacceptable.

La 7 de la page 7: “Il avait l’air un peu effrayé.”

“Être sans destin” n’est pas enième roman sur l’enfer de la guerre et des camps de concentration. Ici, on nous donne une vision peu commune, celle d’un adolescent. Le protagoniste sait ce qu’il se passe sans pour autant comprendre ce qui lui arrive. Il voit  la guerre avec naïveté. Kertész nous livre un témoignage unique et qui donne une nouvelle vision de la guerre. Cette manière de décrire la guerre la rend encore plus terrifiante. Ce récit, écrit avec recul, nous inflige la douleur de l’ignorance. La dureté de la déportation se transforme en voyage. L’horreur des camps se transforme en “travail”. Ce groupe d’adolescents rient entre eux sans comprendre ce qu’il se passe réellement. Kertész met en avant l’innocence face à l’innomable. Ils rient. Ils jouent. Et pendant le récit, le lecteur, lui, sait ce qui est en jeu. L’auteur nous pose des questions et notamment la compréhension de l’incompréhensible pour un adolescent acteur de la deuxième guerre mondiale. Si le protagoniste entrevoit ce qu’il se passe, il n’en prend pas la mesure. Du début de son arrestation où il est pris d’un four rire à sa libération où il est incapable d’assimiler les camps à l’enfer (faute de compréhension ou de mots ) On ne peut s’empêcher de penser que son esprit refuse tout simplement d’analyser froidement sa situation. Il se protége. Si à la fin du récit, il n’est plus l’adolescent du début, il en reste un être fragile qui se mure dans une armure de refus. Il continue à croire en l’adulte qui pourtant le trahi de la première à la dernière page.
Le protagoniste entre dans la guerre et dans les camps à un âge où l’esprit se façonne, où l’esprit critique se développe. Et c’est à cette période cruciale de son développement qu’il connaît l’horreur. Il grandit avec celle-ci. Si il est difficile pour nous de comprendre son “détachement”,avec un peu de recul, on entrevoit les raisons de son comportement. Le protagoniste, 15 ans, se construit et se définit dans la pire période de l’Histoire du XXème siècle. Il est bien obligé de se concentrer sur les routines, seules garde fou d’un esprit en construction. Mais Kertész nous offre un diamant de la littérature de guerre. Le récit est froid et naïf en même temps. Il nous ébranle. “Être sans destin” est une oeuvre majeure à inscrire en majuscule sur la liste des livres nous livrant une certaine vérité sur la deuxième guerre mondiale.

Extrait: “Il ne m’est resté de tout cela que deux impressions qui se sont succédées rapidement: la voix éraillée de l’homme à la cravache, rappelant un peu celle d’un camelot du marché, ce qui au vu de son apparence si distinguee, m’a tellement surpris que je n’ai pas retenu grand-chose de ce qu’il a dit. J’ai juste compris qu’il avait l’intention de procéder à “l’examen” – c’est le mot qu’il a employé – de notre situation le lendemain, et tout de suite après, il s’adressait déjà aux gendarmes, leur ordonnant d’une voix qui remplissait toute la place d’emmener en attendant”toute cette bande de juifs” là où, à son avis, est leur place, c’est à dire à l’écurie, et de les y enfermer pour la nuit. Ma deuxième impression a été le tumulte impénétrable qui a suivi, rempli de commandements, les gendarmes qui s’animent soudain en hurlant leurs ordres pour nous disperser. Dans la précipitation, je ne savais même pas par où aller, je me rappelle juste que pendant ce temps j’avais un peu envie de rire d’une part, à cause de l’étonnement et de mon embarrass, à cause de cette impression que j’avais d’être tombé soudain au beau milieu d’une pièce de théâtre insensée où je ne connaissais pas très bien mon rôle, d’autre part, à cause d’une pensée fugace qui n’a fait que passer dans mon imagination: la tête de ma belle-mère quand elle se rendrait compte qu’elle m’attendait en vain pour dîner.”

2 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas, il me tente bien :)

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    1. C'est assez particulier comme récit, mais je te le conseille. Il est plutôt bien écrit. J'espère que tu aimeras. :-)

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