Ed. de L'Arche 1997. Pages 109.
Résumé: Mon horrible père avait ce qu'il appelait l'objectif "note de chauffage". Il avait l'habitude de nous fourrer les factures de chauffage sous le nez en nous disant "Allez-y, allez-y, continuez à vivre dans une fournaise, si c'est ce que vous voulez. Mais souvenez-vous: si vous montez le chauffage en septembre, vous devrez le baisser en février..."
La 7 de la page 7: "Dimanche."
Dand "Skylight", les didascalies sont importantes. Elles ne laissent pas la place à l'imagination du metteur en scène/lecteur. Au départ, on ne sait pas trop de quoi les personnages parlent. Ils donnent l'impression de meubler. La conversation débute sur un thème dur mai universel, le deuil.
"Edward: En fait, une fois qu'ils sont morts, ils continuent de changer. Tu crois que tu les as cernés. Et c'est comme si tu disais: "Ah, je vois. C'est comme ça qu'elle était." Mais après, dans ton souvenir, elle change encore. Ça rend fou. Maintenant, j'aimerais simplement savoir qui elle était."
Et c'est grâce à cela qu' Edward introduit lui-même son père, Tom, qui viendra plus tard.
"Edward: (...) J'arrête pas de lui dire: papa, t'es pas mort, t'as cinquante ans. C'est trop tôt pour bouffer les pissenlits par la racine. Merde! Ce que j'aimais chez papa, c'est que d'une certaine façon, il avait pas d'âge. Je crois que c'est pour ça qu'il avait autant de succès. Tous les âges, tous les genres. Il savait comment les toucher. Et maintenant, il reste dans cette espèce d'ignoble forteresse verte." Apparemment, Edward aime son père. Cependant, il n'est pas dupe de son caractère.
"Edward: (...) Il inspire le respect, ça c'est sûr. Les gens comme lui inspirent le respect. Mais si tu grattes un peu la surface, si tu parles un peu avec ses employés, tu t'aperçois que le respect, ça ressemble beaucoup à la peur."
Edward nous annonce un personnage complexe qui n'engage rien de bon. On sent déjà que Tom va nous être présenté comme quelqu'un d'antipathique. Avec "Skylight", Hare va surtout nous livrer un féroce plaidoyer sur le monde du travail et le système social anglais via la vision professionnelle des différents personnages. Il commence avec Edward.
"Edward: (...) On ne fait pas les choses parce que ça nous plaît. On les fait pour pouvoir les inscrire sur un CV. Juste pour agiter ce ridicule bout de papier."
Au fur et à mesure des dialogues entre Kyra et Edward, on commence à entrevoir leur relation. Kyra est l'ancienne maîtresse du père d'Edward. C'est important car quand Edward quitte la scène, il est remplacé par Tom, son père. Et leurs dialogues, au début, se superposent. Quand Tom entre en scène, Hare commence sa critique sociale. Il commence en banalisant la violence dans le monde scolaire.
"Kyra: (...) On a commencé par lui voler sa voiture. C'était une sorte de provocation. On pense que c'est des mômes de l'école. Après, ils l'ont cambriolée. Sa chaîne a disparu. Et puis ils ont pris son chat. Elle est revenue un soir, il était rôti dans le four. Elle a commencé à se dire qu'il était temps de bouge. Elle a trouvé un meilleur poste à Dulwich."
Il y a , ici, une banalisation totale de la violence dans le milieu scolaire puisque Kyra énonce cette situation sans pathos particulier. Kyra ne semble pas se rendre compte de la violence de ses propos. Mais en même temps, cela place Kyra du côté social défavorisé qui sera toujours sa place dans le débat qui va suivre. Hare nous dépeint, par contre, un Tom totalement auto-centré. Il sera, clairement, le symbole de la société plus aisée et surtout, très sûre d'elle. Alors que Kyra sera cette société que tout le monde méprise mais qui garde sa liberté de penser et de vivre tel que l'on entend. Hare va d'abord passer en revue leur histoire commune afin de bien mettre en place ses personnages. Le lecteur/spectateur se met alors à se demander ce qu'ont, réellement, en commun ces deux personnages. La réponse est sans doute, pas grand chose. Mais les deux amants se retrouvent et vont, le temps d'un instant, oublier ce qui les sépare. Le problème, c'est que Tom veut recommencer leur histoire avec les mêmes paramètres qu'avant alors que Kyra, elle, a changé.
"Kyra: Tom, il y a une chose qu'il faut que tu prennes maintenant. Il y a cet univers dans lequel je vis, un monde avec des valeurs complètement différentes... Ça n'a rien à voir avec ton monde..."
Et c'est là, que la lutte commence. Tom, lui, n'a absolument pas changé. Il est d'une nature difficile et prompt à juger les autres, ceux qui ne pensent pas comme lui, qui ne partagent pas ses valeurs.
"Tom: Tu étais première de ta promo, non? (...) Je ne peux rien imaginer de plus tragique ni de plus stupide que de te voir foutre tes talents en l'air ici...
Kyra: Je les fous en l'air ici? Je ne crois pas.
Tom: Kyra, tu enseignes à des gosses qui sont en bas de l'échelle!
Kyra: Justement! Il me semble à moi que j'utilise mes talents. Je les utilise, d'une façon que tu n'approuves pas."
Et à partir de là, tout part en vrille. le débat s'envenime et chacun des personnages devient de plus en plus agressif l'un envers l'autre. Jusqu'au point de non retour.
"Kyra: je vais te dire, moi, je passe mon temps avec des gens très différents. Des gens qui n'ont rien du tout le plus souvent. Mais ils ont au moins une grande vertu: contrairement aux riches, ils ne se racontent pas d'histoire sur la prétendue nécessité d'avoir accompli quelque chose dans sa vie! Et ils n'ont pas des douleurs raffinées. Ils ne restent pas assis à se lamenter d'être incompris et sous-estimés... Non, chaque jour, ils continuent de se battre pour survivre dans la rue. Et cette rue, je t'assure... Si tu dois y aller...Si tu dois un jour apprendre à y survivre, eh bien, crois-moi, c'est mille fois plus difficile que de conduire une campagne de promotion des exportations, d'être au gouvernement, ou de... Oui, il faut que je le dise, c'est encore plus difficile que de diriger une banque."
Peu après, Kyra demande à Tom de partir. Leurs visions des choses sont beaucoup trop opposés pour pouvoir cohabiter. "Skylight" est une pièce engagée ou le discours est plus important que l'action. Et malheureusement, c'est en cela que réside la plus grosse faiblesse de cette pièce. Elle est beaucoup trop statique et privilégie bien trop le discours à l'action. C'est bien dommage car le propos est juste mais le lecteur ne peut faire autrement que de s'ennuyer.
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