jeudi 15 février 2018

"Une vie sans fin" de Frédéric Beigbeder

"Une vie sans fin" de Frédéric Beigbeder.
Ed. Grasset 2018. Pages 360.

Résumé: « La vie est une hécatombe. 59 millions de morts par an. 1,9 par seconde. 158 857 par jour. Depuis que vous lisez ce paragraphe, une vingtaine de personnes sont décédées dans le monde – davantage si vous lisez lentement. L’humanité est décimée dans l’indifférence générale.
Pourquoi tolérons-nous ce carnage quotidien sous prétexte que c’est un processus naturel ? Avant je pensais à la mort une fois par jour. Depuis que j’ai franchi le cap du demi-siècle, j’y pense toutes les minutes.
Ce livre raconte comment je m’y suis pris pour cesser de trépasser bêtement comme tout le monde. Il était hors de question de décéder sans réagir. »
F. B.
Contrairement aux apparences, ceci n’est pas un roman de science-fiction.

La 7 de la page 7:  "En revenant de la clinique, Romy et entrée dans la cuisine avec un sourcil plus haut que l'autre."

Si  il y a eu beaucoup de polémiques en ce qui concerne ce roman, des petites vexations d'égo entre personnages du monde audiovisuel, ce n'est pas ce qui m'a attirée dans ce roman. Premièrement, j'ai toujours beaucoup aimé la plume acérée de Beigbeder. Deuxièmement, le sujet semblait être intéressant: avoir peur de mourir et tout faire pour que cela ne se produise pas. Sujet qui parle à tout un chacun, la peur de la mort et l'idée de la combattre sont omniprésentes dans nos vies. 
C'est donc avec entrain que j'ai commencé à lire ce roman. Et au bout de quelques pages plutôt réussies, force est de constater qu'on s'ennuie assez vite. Le côté scientifique du texte est assez rébarbatif et ce road-trip scientifique est peu convaincant. On s'ennuie ferme et on ne tente même pas de s'impliquer dans les méandres psychologiques d'un hypocondriaque cauchemardesque beaucoup trop auto-centré que pour intéresser qui que ce soit.
Moi qui suis une grande fan de Beigbeder, ici, je me confronte à ma première grosse déception en ce qui concerne cet auteur. C'est plutôt son roman et sa quête de l'immortalité qui sont sans fin. 

Extrait: "Le selfie est un curriculum visuel, une e-carte de visite, un marchepied social. Le selfie à côté d'une célébrité est plus lourd de sens. Le selfiste cherche à prouver qu'il a rencontré quelqu'un de plus connu que son voisin. Personne ne demande de selfie à un anonyme, sauf s'il a une originalité physique: nain, hydrocéphale, homme-éléphant ou grand brûlé."

"L'allée du sycomore" de John Grisham

"L'allée du sycomore" de John Grisham.
Ed. Le Livre de Poche 2015. Pages 768.
Titre Original: Sycamore Row.

Résumé: Atteint d'un cancer incurable, un riche propriétaire terrien du Mississippi, Seth Hubbard se pend à la branche d’un sycomore après avoir rédigé un testament dans lequel il déshérite ses enfants et lègue toute sa fortune à Lettie Lang, sa femme de ménage noire. L’avocat Jake Brigance est chargé de cette succession. Mais nous sommes à la fin des années 1980, et le conflit juridique qui va opposer la famille et la domestique est aussi brutal et dramatique que le procès pour meurtre qui avait exacerbé les tensions raciales dans le comté de Ford, trois ans auparavant. Un superbe roman où le déchaînement des passions humaines ouvre le chemin d'une possible rédemption.

La 7 de la page 7: "Ozzie quittait l'église avec son épouse et ses quatre enfants quand on l'appela au téléphone."

Pour être honnête, je ne suis pas la plus grande fan de John Grisham. Je le trouve, en règle générale, trop lent et beaucoup trop procédural pour pouvoir attirer mon attention plus que nécessaire. Mais comme "L'allée du sycomore" m'a été offert, je me suis quand même lancée dans cette histoire, mais sans trop y croire. 
Et pourtant, pour une fois, Grisham m'a prise par surprise. Certes c'est un roman lent et long avec beaucoup trop de longueurs inutiles, mais l'histoire est totalement maîtrisée. On en redemanderait presque. Grisham parvient à semer de ci de là des indices qui pourraient permettre au lecteur de comprendre, de lui-même pourquoi ce chef d'entreprise blanc a tout laissé à sa domestique noire. Et quand le lecteur pense avoir enfin touché la vérité du doigt, il se trompe à nouveau, berné par un auteur qui maîtrise son sujet. 
Ca reste du Grisham. Ca reste lent. Et long. Un pavé qui ne nécessitait peut-être pas autant de pages. Mais cela reste une bonne lecture. De plus, elle m'a permis de comprendre ce que j'aimais bien chez Grisham. Cet auteur n'est jamais aussi bon que quand il s'attaque aux tensions raciales. Et maintenant que je sais ça, je vais pouvoir en lire plus de ses romans. Grand bien me fasse. 

Extrait:"Seth Hubbard se trouvait bien à l'endroit qu'il avait indiqué - du moins tout près - mais pas du tout dans l'état attendu; car il oscillait au bout d'une corde, à deux mètres du sol, et tournait lentement sur lui-même sous l'action du vent."

"Débâcle" de Lize Spit

"Débâcle" de Lize Spit
Ed. Actes Sud 2018. Pages 448.
Titre Original: "Het Smelt"

Résumé: À Bovenmeer, un petit village flamand, seuls trois bébés sont nés en 1988 : Laurens, Pim et Eva. Enfants, les “trois mous­quetaires” sont inséparables, mais à l’adolescence leurs rap­ports, insidieusement, se fissurent. Un été de canicule, les deux garçons conçoivent un plan : faire se déshabiller devant eux, et plus si possible, les plus jolies filles du village. Pour cela, ils imaginent un stratagème : la candidate devra résoudre une énigme en posant des questions ; à chaque erreur, il lui faudra enlever un vêtement. Eva doit fournir l’énigme et ser­vir d’arbitre si elle veut rester dans la bande. Elle accepte, sans savoir encore que cet “été meurtrier” la marquera à jamais. Treize ans plus tard, devenue adulte, Eva retourne pour la première fois dans son village natal. Cette fois, c’est elle qui a un plan…
Véritable coup de tonnerre dans le paysage littéraire aux Pays-Bas et en Belgique, immense succès de librairie qui a valu à son auteur les plus grands éloges, Débâcle est un roman choc, servi par une écriture hyperréaliste et intransigeante. Une expérience de lecture inoubliable.

La 7 de la page 7:  Il faut que le nœud soit à la bonne hauteur."

Cela fait maintenant deux ans que je vend ce roman à ma clientèle néerlandophone. Un véritable carton plein pour ce thriller de Lize Spit. C'est donc avec impatience que j'attendais la traduction française. Lorsqu'elle est enfin parue, je me suis jetée sur le roman et l'ai lu à une rapidité déconcertante. 
Et on pourrait croire que c'est un compliment, et en fait, oui et non. Je m'explique, ce roman m'a poussée dans mes retranchements. Un sentiment de malaise s'est vite installé sans jamais vraiment me quitter. Cette impression de catastrophe imminente ne quitte jamais le lecteur qui reste en apnée afin d'avoir le fin mot de l'histoire. Que s'est-il passé entre Eva, Pim et Laurens? Qu'est ce qui a amené ce trio à exploser de manière magistrale. Ce serait facile de croire que, parfois juste l'âge sépare les inséparables. Mais ce n'est pas le cas ici, on ne peut nier l'évidence: quelque chose s'est produit. Et on prédit quelque chose de grave. 
Ce roman m'a fait penser au climat belge après la découverte du drame Julie et Mélissa. Quand enfants, nos illusions et nos libertés se sont évanouies en même temps que nos parents se sont rendu compte que les monstres existaient réellement et vivaient non loin de chez eux. Un climat qui parlera à tous les trentenaires belges. 
Et c'est exactement ce qui va se passer dans ce roman de Spit. Est-ce un thriller? Pas vraiment. Une enquête policière? Ça aurait pu. Mais en fait, c'est un roman sur la perte de l'enfance, l'abandon de cette innocence qui nous rend adulte ou nous détruit telle une pièce d'un puzzle qui restera toujours inachevé. 
Est-ce que j'ai aimé "Débâcle"? Bon sang, non. Je ne l'ai pas du tout aimé. Ce sentiment de malaise de cette enfance gâchée m'a emportée dans des endroits sombres qu'on préfèrerait toutes et tous oublier. Et pourtant, je ne pense pas que le but de ce roman est de se faire aimer. Non. Et c'est sans doute pourquoi ce livre est percutant, brutal et brillamment réussi. Il laisse son lecteur aux abois, ne voulant pas de cette fin qui était pourtant prévisible mais qu'il a refusé d'accepter, ayant trop peur de devoir assister, impuissant, à la débâcle de cette enfance. C'est affreusement brillant. 

Extrait: "Du fait de sa compagnie, j'étais rarement seule. Je me sentais pourtant plus isolée que jamais, faute de pouvoir parler de ce grand secret à Pim et à Laurens, pas seulement parce que j'avais peur qu'il se moquent de moi, mais aussi au cas où ils demanderaient à Mlle Emma de veiller sur eux en plus."