mercredi 28 octobre 2015

"Un tueur si proche" de Ann Rule

"Un tueur si proche" de Ann Rule
Ed. Le Livre de Poche 2004. Pages 541.
Titre Original: "The Stranger Beside Me"

Résumé: Pour le meilleur et pour le pire, Ted Bundy a fait partie de ma vie pendant dix-huit ans. Ted le monstre. Le monstre-tueur-violeur. Celui-là même avec qui je passais des nuits à secourir des correspondants en détresse, des candidats au suicide. J'entends encore la patience et la sympathie qui perçaient dans sa voix. Je me rappelle la sollicitude avec laquelle il m'escortait jusqu'à ma voiture au petit matin, au cas où...
Quand une vague de meurtres de jeunes filles ensanglanta le pays, j'eus droit, en tant qu'ancien membre de la police, à la primeur des informations. Et un beau jour, on m'annonça que les soupçons portaient sur mon ami. Seule une preuve absolument irréfutable m'amena à accepter que cet homme était le plus épouvantable des tueurs en série qu'aient connu les États-Unis ....

La 7 de la page 7: "La plupart des jeunes, loin de chez eux, sans travail, avec seulement soixante dollars avant la fin du mois éprouvent une certaine angoisse devant l'incertitude de leur avenir." 

Ce roman est particulier. Si on a l'habitude d'une Ann Rule qui part d'un fait divers pour en faire un "témoignage romancé", "Un tueur si proche" concerne Ted Bundy. Un tueur en série que Ann Rule ne connaissait que trop bien. Elle l'a côtoyé pendant des années. 
Dans "Un tueur si proche" il y a une sincérité qui peut parfois manquer dans le travail de Rule. Au-delà de l'intérêt du sujet, on est ici dans un roman où Ann Rule va se livrer, elle, pas l'assassin ni ses victimes. Toujours bien documenté, Rule signe ici son meilleur roman. 

Extrait: "Beaucoup de gens croient aujourd'hui que Ted Bundy a pris des vies humaines, mais il en a aussi sauvé. Je le sais, parce que j'étais là. Je m'en souviens comme si c'était hier : je le revois penché sur le téléphone, parler d'une voix contrôlée, sur un ton rassurant- je le revois lever les yeux vers moi, hausser les épaules et grimacer un sourire. Je l'entends encore approuver une vieille femme qui lui racontait comme la ville était belle quand l'éclairage public était au gaz, j'entends encore la patience infinie et la sympathie qui perçaient dans sa voix. Je le revois soupirer et rouler les yeux dans ses orbites tout en écoutant la confession d'un alcoolique repenti. Il n'était jamais brutal, prenait toujours le temps d'écouter."  

"Autant en emporte le vent" de Margaret Mitchell

"Autant en emporte le vent" de Margaret Mitchell
Ed. France Loisirs 2003. Pages 1407.
Titre Original: "Gone With the Wind"

Résumé: En Georgie, en 1861, Scarlett O'Hara est une jeune femme fière et volontaire de la haute société sudiste. Courtisée par tous les bons partis du pays, elle n'a d'yeux que pour Ashley Wilkes malgré ses fiançailles avec sa douce et timide cousine, Melanie Hamilton. Scarlett est pourtant bien décidée à le faire changer d'avis, mais à la réception des Douze Chênes c'est du cynique Rhett Butler qu'elle retient l'attention. C'est alors que la guerre de Sécession éclate bouleversant leurs vies à jamais...

La 7 de la page 7: "Elle ne l'a jamais beaucoup battu parce qu'il est l'aîné et que c'est l'avorton de la bande, dit Stuart, fier de sa haute taille." 

"Autant en emporte le vent" est clairement un classique de la littérature américaine. Parpaing de 1400 pages, il faut parfois vraiment avoir envie de le terminer. Personnellement, j'ai mis du temps pour entrer dans l'histoire, mais une fois chose faire, j'ai englouti page après page ce pavé littéraire. 
Amour, haine, fierté, honneur, trahison... Mitchell met en place une fresque américaine imparable et rondement menée. Entrée dans la culture populaire, Scarlett O'Hara y est tantôt magistrale tantôt lamentable et pathétique. 
Plus qu'une histoire d'amour, "Autant en emporte le vent" nous transporte dans une Amérique déchirée militairement et socialement. Le vernis américain s'effrite inexorablement et les personnages du roman ne peuvent que subir les changements de cette "nouvelle" Amérique. Sans jugement, Mitchell porte un regard implacable sur un Sud esclavagiste et un Nord vindicatif. 
A travers la vie de Scarlett, Mitchell met en place des situations et aborde des sujets qui pimentent toujours la société américaine actuelle. 
"Autant en emporte le vent" a certes de nombreux défauts (lenteur, longueur) mais il mérite totalement sa place au panthéon des livres américains. 

Extrait: "L'homme était maître du domaine, la femme l'administrait. L'homme s'attribuait tout le mérite d'un bonne gestion, la femme louait l'habileté qu'il avait déployée. L'homme mugissait comme un taureau quand il s'était enfoncé une écharde dans le doigt, la femme étouffait les plaintes de l'enfantement de peur de le déranger. Les hommes étaient grossiers et s'enivraient souvent. Les femmes ignoraient les écarts de langage et mettaient les ivrognes au lit sans un mot de reproche. Les hommes étaient brutaux et ne cachaient pas leurs sentiments, les femmes étaient toujours aimantes, gracieuses et miséricordieuses. " 

"Expo 58" de Jonathan Coe

"Expo 58" de Jonathan Coe
Ed. Gallimard 2014. Pages 326.

Résumé: Londres, 1958. Thomas Foley dispose d’une certaine ancienneté au ministère de l’Information quand on vient lui proposer de participer à un événement historique, l’Exposition universelle, qui doit se tenir cette année-là à Bruxelles. Il devra y superviser la construction du Pavillon britannique et veiller à la bonne tenue d’un pub, Le Britannia, censé incarner la culture de son pays. Le jeune Foley, alors qu’il vient de devenir père, est séduit par cette proposition exotique, et Sylvia, son épouse, ne voit pas son départ d’un très bon œil. Elle fera toutefois bonne figure, et la correspondance qu’ils échangeront viendra entrecouper le récit des nombreuses péripéties qui attendent notre héros au pays du roi Baudouin, où il est très vite rejoint par de savoureux personnages : Chersky, un journaliste russe qui pose des questions à la manière du KGB, Tony, le scientifique anglais responsable d’une machine, la ZETA, qui pourrait faire avancer la technologie du nucléaire, Anneke, enfin, l’hôtesse belge qui va devenir sa garde rapprochée…

La 7 de la page 7: "Très heureux de faire votre connaissance, Foley." 

Jonathan Coe nous livre ici un roman d'espionnage complètement atypique. Le ton est effectivement très différent de ce qu'on peut généralement trouver dans un roman d'espionnage de base. L'ambiance de ce roman est très agréable et paradoxalement très étouffante. Étouffante car on se sent enfermé dans cette Exposition Universelle. Mais en même temps, il fait quand même bon vivre dans ce huis-clos assez particulier. C'est donc une ambiance assez paradoxale. 
Le personnage de Foley est très bien écrit. Il oscille entre la naïveté (voire la bêtise) et un côté extrêmement attachant (mais on se tape le front assez fréquemment quand même)
Coe, grâce à ce roman, met en avant une certaine couche de la société qui aime se mettre en avant alors qu'ils n'ont pas forcément les moyens d'assumer leurs propos ou leurs bravades. 
Les descriptions de Coe sont implacables et nous emmènent bien dans les méandres de l'Expo 58. On se promène de pays en pays tout en restant dans un univers feutré. Cela nous ferait presque regretté de ne pas nous être promenés nous-mêmes dans cette Exposition Universelle. Mais grâce à Coe, finalement, c'est un peu comme si on y avait été. 

Extrait: "Ici, pendant les six prochains mois, convergeraient tous les pays dont les relations complexes entre conflits et alliances, dont les histoires riches et inextricablement liées avaient façonné et continuaient de façonner la destinée du genre humain. Et cette folie éblouissante était au cœur du phénomène, gigantesque treillis de sphères interconnectées, impérissables, chacune emblématique de cette minuscule unité mystérieuse que l’homme venait si récemment d’apprendre à fissionner : l’atome. Cette vue seule lui fit battre le cœur."  

"Le Masque de l'araignée" de James Patterson

"Le Masque de l'araignée" de James Patterson
Ed. Le Livre de Poche 2008. Pages 381.
Titre Original: "Along came a spider"

Résumé: À Washington D.C, Alex Cross, un détective noir, enquête sur deux kidnappings d'enfants : celui de Michael, fils du ministre des Finances et celui de Maggie-Rose, fille d'une star et d'un financier célèbre.
Mais Cross n'est pas un détective comme les autres : il est docteur en psychologie et sa femme a été assassinée par un tueur anonyme.
Cependant, il n'est pas seul. Le FBI et les services secrets ont d'autres intérêts. Ce "masque" n'est pas non plus porté par celui qu'on croit. Qui, en définitive, le fera tomber ?

La 7 de la page 7: "Il vient d'y avoir un autre crime horrible du côté de Langley Terrace." 

"Le Masque de l'araignée" est le premier volet des aventures de Alex Cross. Et on en redemande. En effet, l'intrigue est menée de main de maître du début à la fin. Alex Cross est aussi un personnage très attachant et quelque peu atypique. Mais tellement efficace!
Patterson parvient à mettre en place une intrigue infaillible et intelligemment construite. On lira avec plaisir le reste des aventures de Alex Cross. 

Extrait: "Je n'avais pas l'intention de m'imposer chez vous autres, bonnes gens, dit-elle en souriant. Mais je suis écœurée par ce qui est arrivé. Toutes ces histoires qu'on raconte sur vous sont dégueulasses. Et, qui plus est, entièrement fausses. Je voulais vous dire ce que j'en pensais. Voilà pourquoi je suis venue ici. "  

"Le faire ou mourir" de Claire-Lise Marguier


"Le faire ou mourir" de Claire-Lise Marguier
Ed. Rouergue 2011. Pages 103.

Résumé: Vus de l'extérieur, ils faisaient plutôt peur, ceux de la bande à Samy, avec leurs coupes de cheveux étranges, leurs vêtements noirs, leurs piercings... Mais le jour où les skateurs s'en sont pris au nouveau du collège, Dam, avec son physique de frite molle, c'est Samy qui s'est interposé et lui a sauvé la mise. Et c'est comme ça qu'ils se sont rencontrés, et que l'histoire a commencé. Samy a essuyé le sang qui coulait de la tempe de Dam, avec sa manche noire.
C'était la première fois que quelqu'un le touchait avec autant de douceur...

La 7 de la page 7: "J'ai eu l'impression d'exister." 

Très belle histoire qui ne tombe absolument pas dans le pathos. Toutefois, un bémol, la fin aurait mérité un choix clair et tranché. La double fin m'a un peu laissée perplexe, comme si l'auteur n'avait pas voulu faire de mal à son personnage sans pour autant en écarter la possibilité.
De plus, force est de constater que l'auteur se perd un peu dans divers sujets et mélange certaines parties de son histoire. Ce qui rend le texte un peu confus, comme si certains choix avaient été trop durs à prendre pour l'auteure. 
Toutefois, "Le faire ou mourir" reste une bonne histoire à mettre entre toutes les mains. 

Extrait: " Ce qu'on a fait le jour de mon anniversaire, ça peut pas se raconter. Les mots il faudrait les inventer parce qu'il en existe pas pour décrire des sensations aussi compliquées, avec des sentiments qui se mélangent tellement que tu sais plus si c'est bon ou si ça fait peur, si tu as honte ou envie, s'il faut s'arrêter ou continuer pour survivre. Parce que c'était ça l'enjeu, on aurait dit, plus que tout, c'était une question de survie. C'était le faire ou mourir."

mardi 27 octobre 2015

"Mort sur le Nil" de Agatha Christie

"Mort sur le Nil" de Agatha Christie
Ed. Le Livre de Poche 1987. Pages 253.
Titre Original: "Death on The Nile"

Résumé: Un soir, Hercule Poirot dîne dans un restaurant londonien. Sa table jouxte celle d'un jeune couple apparemment très épris, Jackie de Bellefort et Simon Doyle. Quelques semaines plus tard, à l'occasion d'une croisière sur le Nil, le grand détective a la surprise de retrouver Simon Doyle marié à Linett Ridgeway. S'apercevant que Jackie s'ingénie à croiser le chemin du jeune couple, Hercule Poirot sent la tragédie venir à grand pas et il a peur...

La 7 de la page 7: "Les étoiles se fichaient pas mal de lui." 

Quand on ouvre un Agatha Christie (un Hercule Poirot de surcroît) on sait qu'on s'aventure dans une joute intellectuelle avec l'auteure afin de trouver les indices qui nous permettront de trouver l'assassin en même temps que Poirot. Évidemment, il y a toujours quelques romans d'un auteur aussi prolofique que Christie qui sont un peu moins bon que le reste de son œuvre. Ce n'est pas le cas ici. "Mort sur le Nil" se trouve dans la vague des "Le Crime de L'Orient-Express" ou encore "Le Meurtre de roger Ackroyd", c'est à dire qu'il entre au panthéon des meilleurs romans d'Agatha Christie. 
La trame est bien menée et bien pensée. On se laisse balader tout au long du roman. Du début à la fin. On referme le livre avec la satisfaction d'avoir, encore, passé un bon moment en compagnie du détective belge. 

Extrait: "L’œil de Poirot s'attendrit à la vue d'un couple parfaitement assorti, l'homme grand et large d'épaules, sa compagne svelte et gracieuse. Ces deux êtres évoluaient dans une douce félicité, joyeux de se retrouver réunis en cette heure en ce luxueux restaurant." 

"Ensemble c'est tout" de Anna Gavalda

"Ensemble, c'est tout" de Anna Gavalda
Ed. Le dilettante 2004. Pages 604.

Résumé: Et puis, qu'est-ce que ça veut dire, différents ? C'est de la foutaise, ton histoire de torchons et de serviettes...
Ce qui empêche les gens de vivre ensemble, c'est leur connerie, pas leurs différences... " Camille dessine. Dessinait plutôt, maintenant elle fait des ménages, la nuit. Philibert, aristo pur jus, héberge Franck, cuisinier de son état, dont l'existence tourne autour des filles, de la moto et de Paulette, sa grand-mère. Paulette vit seule, tombe beaucoup et cache ses bleus, paniquée à l'idée de mourir loin de son jardin. Ces quatre là n'auraient jamais dû se rencontrer. Trop perdus, trop seuls, trop cabossés... Et pourtant, le destin, ou bien la vie, le hasard, l'amour -appelez ça comme vous voulez -, va se charger de les bousculer un peu. Leur histoire, c'est la théorie des dominos, mais à l'envers. Au lieu de se faire tomber, ils s'aident à se relever.

La 7 de la page 7: "Bien sûr que non, ma Paulette!" 

Que ce livre est long. Affreusement long. Inutilement long. En plus, la protagoniste a un côté agaçant au possible. Ce qui n'aide pas l'histoire à aller plus vite. Il y a beaucoup trop de longueur pour moi. Et je me serai bien passée de certains passages. 
Je peux comprendre que ce livre plaise mais je ne suis clairement pas le public visé. J'ai trouvé "Ensemble, c'est tout" totalement "gagatisant"  et assez rébarbatif. 
Cette histoire qui n'en finit pas (pour arriver à une fin un peu facile) J'ai refermé ce livre avec soulagement. 

Extrait: "Tu as raison, on ne va pas y arriver... Il vaut mieux que tu te casses, mais laisse-moi te dire deux choses avant de te souhaiter bonne route : La première, c'est à propos des intellectuels justement... C'est facile de se foutre de leur gueule... Ouais, c'est vachement facile... Souvent, ils sont pas très musclés et en plus, il n'aiment pas ça, se battre...Ça ne les excite pas plus que ça les bruits de bottes, les médailles et les grosses limousines, alors oui, c'est pas très dur... Il suffit de leur arracher leur livre des mains, leur guitare, leur crayon ou leur appareil photo et déjà, ils ne sont plus bons à rien ces empotés... D'ailleurs, les dictateurs, c'est souvent la première chose qu'ils font : casser les lunettes, brûler les livres ou interdire les concerts, ça leur coûte pas cher et ça peut leur éviter bien des contrariétés par la suite... Mais tu vois, si être intello ça veut dire aimer s'instruire, être curieux, attentif, admirer, s'émouvoir, essayer de comprendre comment tout ça tient debout et tenter de se coucher un peu moins con que la veille, alors oui, je le revendique totalement : non seulement je suis une intello, mais en plus je suis fière de l'être... Vachement fière, même... Et parce que je suis une intello comme tu dis, je ne peux pas m'empêcher de lire tes journaux de moto qui traînent aux chiottes et je sais que la nouvelle béhème R 1200 GS a un petit bidule électronique pour rouler avec l'essence pourrie..."

"Chronique d'une mort annoncée" de Gabriel Garcia Marquez

"Chronique d'une mort annoncée" de Gabriel Garcia Marquez
Ed. le Livre de Poche 1987. Pages 116.
Titre Original: "Cronica de una muerte anunciada"

Résumé: Les frères Vicario ont annoncé leur intention meurtrière à tous ceux qu'ils ont rencontrés, la rumeur alertant finalement le village entier, à l'exception de Santiago Nasar. Et pourtant, à l'aube, ce matin-là, Santiago Nasar sera poignardé devant sa porte. Pourquoi le crime n'a-t-il pu être évité ? Les uns n'ont rien fait, croyant à une simple fanfaronnade d'ivrognes; d'autres ont tenté d'agir, mais un enchevêtrement complexe de contretemps et d'imprévus - souvent joyeusement burlesques -, et aussi l'ingénuité ou la rancoeur d'une population vivant en vase clos, ont permis et même facilité la volonté aveugle du destin. Dans cette Chronique d'une mort annoncée, l'humour et l'imagination du grand écrivain colombien, prix Nobel de littérature, se débrident plus que jamais pour créer une nouvelle et géniale fiction sur les thèmes éternels de l'honneur et de la fatalité.

La 7 de la page 7: "Un homme comme ça, il n'en est jamais né d'autre me dit-elle, grasse et fanée, entourée par une progéniture issue d'autres amours." 

Ce roman, assez court,  m'a prise par surprise et transportée bien au-delà du point final. Récit rondement mené, haletant, on suis une journée "banale" de Santiago. Enfin ce qu'il croit être une banale journée. Ses heures sont comptées. Tout le monde le sait, sauf lui. Garcia Marquez nous offre une course contre la montre. Mais le destin a décidé que ce serait le dernier jour de Santiago. Et quand le destin décide, il n'y a rien qui puisse se mettre entre son objectif et lui. 
Au-delà de cette superbe histoire, Garcia Marquez nous offre une promenade dans chaque ruelle où il nous fait sentir les odeurs de cuisine. On a chaud sous ce soleil de plomb qui bat au-dessus de nos têtes. On s'implique énormément dans cette histoire où chaque mot est à sa place et où chaque phrase a son importance. 
Un livre à lire. 

Extrait: "Avant de se coucher, il alla au petit coin mais s’endormit assis sur la tinette, et quand mon frère Jaime se leva pour se rendre à l’école, il le trouva affalé à plat ventre sur le carrelage, et chantant dans son sommeil. Ma sœur la nonne, qui ne put descendre au débarcadère accueillir l’évêque parce qu’elle avait une gueule de bois carabinée, ne parvint pas à le réveiller. « Cinq heures sonnaient quand je suis allée aux toilettes », me dit-elle. Ce fut, plus tard, ma sœur Margot, en entrant se doucher avant de partir pour le port, qui réussit à le traîner à grand-peine jusqu’à son lit. De l’autre rive du sommeil, il entendit, sans ouvrir les yeux, les premiers beuglements du bateau de l’évêque. Puis il s’endormit comme une masse, épuisé par la bombance, jusqu’au moment où ma sœur la nonne entra dans la chambre en essayant d’enfiler sa bure au pas de course. Elle le réveilla de son cri de folle : « On a tué Santiago Nasar ! »"

"Vipère au poing" de Hervé Bazin

"Vipère au poing" de Hervé Bazin
Ed. Le Livre de Poche 1948. pages 255. 

Résumé: C'est le combat impitoyable livré par Jean Rezeau, dit Brasse-Bouillon et ses frères, à leur mère, femme odieuse, surnommée Folcoche.

La 7 de la page 7: "Chemin de la Faulsaunière ferme de Rouge-Sel, domine les Sept-Pendus, les noms sinistres demeurent." 

Bazin nous livre ici des souvenirs d'enfance aux côtés d'une mère tyrannique. A grands renforts de descriptions et de métaphores, je me suis sentie totalement exclue du récit. 
Au programme du cours de français à ma lointaine époque scolaire, j'en suis encore à me demander ce qu'on avait bien pu faire de si grave pour mériter telle punition. Sortie de l'école, je ne suis jamais retournée vers cet auteur. Et je compte bien continuer... 

Extrait: "Nous n'avions, en effet, jamais vu la mer, bien que La Baule ne se trouve qu'à cent kilomètres de la Belle Angerie. La famille estimait inutiles et même immorales les trempettes mondaines en eau salée, toute viande dehors. L'horreur du nu et tenace en Craonnais. La peur de l'eau également, tant qu'elle n'est pas bénite. L'éducation en vase clos - en ciboire, dira Frédie - ne permettait aucune fréquentation dangereuse. Chacun sait que sur les plages, on est obligé de se commettre plus ou moins avec les boutiquiers enrichis et la canaille des congés payés. Et puis, enfin, ça coûte cher."

"221B Baker Street" de Graham Moore

"221B Baker Street" de Graham Moore
Ed. Pocket 2013. Pages 511. 
Titre Original: "The Sherlockian" 

Résumé: Octobre 1900, Londres. Après avoir reçu un étrange courrier, Conan Doyle se retrouve mêléà la disparition de plusieurs jeunes filles dans les bas-fonds de la ville. Sur les traces d'un tueur en série, il demande l'assistance d'un de ses amis, l'écrivain Bram Stoker, auteur de Dracula.
Janvier 2009, New York. C'est un grand jour pour Harold White : son article mettant en parallèle les exploits de Sherlock Holmes et la naissance de la médecine légale lui vaut d'être intronisé dans la prestigieuse association des « Baker Street Irregulars ». C'est aussi un grand jour pour ladite association : Alex Cale, l'un de ses membres les plus renommés, vient de retrouver le « Saint-Graal » des fanatiques de Conan Doyle, le fameux tome perdu du journal intime de l'écrivain, couvrant les mois d'octobre à décembre 1900. C'est en effet à cette époque que Conan Doyle, après avoir fait mourir Sherlock Holmes sept ans plus tôt au grand dam de ses admirateurs, a décidé, pour une raison demeurée inconnue, de faire revivre le célèbre détective. Mais Alex Cale est assassiné avant d'avoir pu dévoiler le contenu du fameux journal et Harold, inspiré par l'art de la déduction de son illustre modèle, se lance sur la piste du meurtrier.

La 7 de la page 7: "Il y eut des rires et des applaudissements." 

Pour les amateurs d'enquêtes parallèles, ce roman est pour vous! D'un côté, on a Arthur Conan Doyle et Bram Stoker qui mènent l'enquête sur les meurtres de jeunes femmes dans le Londres victorien. De l'autre, on a Harold, jeune recrue d'un club de Sherlockiens. Les deux enquêtes se tiennent bien. Elles sont toutes les deux faciles à lire. Pas d'invraisemblances choquantes.
Ceci dit... (sinon c'est pas drôle) Harold... C'est pas Sherlock. Loin de là. Le lecteur attentif et soupçonneux a tendance à avoir une longueur d'avance sur lui. Il a un petit côté touchant et naïf qui peut plaire tout autant qu'il peut agacer. N'est pas Holmes qui veut et ce livre en est bien la preuve. Personnellement, j'ai eu un peu de mal à m'attacher à Harold. Trop de naïveté tue la naïveté. Il faut également avouer que la fin de la partie "2010" est un peu tirée par les cheveux. Et disons le, un peu bâclée. On en voudrait plus. Pas forcément plus d'histoire mais peut-être plus de dénouement. Malgré tout, cela reste une bonne petite histoire pour se détendre. 
On en vient maintenant à la partie Conan Doyle. Dieu qu'il est agaçant ce bonhomme. Mais en même temps, il n'est pas reconnu pour ses airs aimables. Histoire oblige. Moore ne peut pas nous inventer un Conan Doyle sympathique... Le très grand intérêt de cette partie, c'est le "mystère du journal". Toute personne un peu férue des histoires de Holmes s'est déjà demandée ce qui a bien pu arriver à Conan Doyle pendant ce fameux grand hiatus (période qui va du moment où Conan Doyle tue Sherlock Holmes et le moment où il le fait revivre dans "Le Chien des Baskerville") Moore nous donne ici sa vision romantique et romancée de ce qui aurait pu se passer. Doyle se prend pour Sherlock. Si il en est l'auteur, il est donc capable des mêmes compétences que son illustre créature. Mais c'est en oubliant que la théorie est bien loin de la pratique. Doyle patauge. Et le réel intérêt de cette histoire prend alors forme: Bram Stoker. Rappelons qu'à l'époque de l'histoire, Stoker n'est pas encore le pilier de la littérature victorienne que nous connaissons tous. On a donc ici deux forces artistiques qui s'opposent: L'artiste reconnu (Doyle) et l'artiste frustré (Stoker). Et personnellement, oui, je me suis délectée des références à ce "pauvre Bram" qui n'a jamais rien accompli de majeur au niveau artistique... C'est un peu, même beaucoup, jouissif. On a limite envie de le prendre dans nos bras pour lui dire que tout ira bien. Là où Doyle est antipathique, Stoker est humain. 
Donc en résumé: 
Un bon livre pour se détendre. Deux bonnes histoires. Des personnages cohérents. Bref, recommandé pour passer un bon moment. 

Extrait: "Tout est aléatoire. la violence et la mort sont le fruit du hasard, on ne peut ni les empêcher ni les arrêter. De toutes les conventions du roman policier, la seule à laquelle il soit impossible de déroger c'est la découverte de la solution dans les dernières pages.(...) Peut-on écrire une histoire policière qui s'achève dans l'incertitude? Où l'on ne sait jamais vraiment qui a commis le crime? C'est possible mais ce n'est pas satisfaisant. C'est déplaisant pour le lecteur. Il faut qu'il y ait quelque chose à la fin, une espèce de résolution. Pas forcément que le criminel soit arrêté ou emprisonné. Mais le lecteur doit absolument savoir. Ne pas savoir est le pire qui puisse arriver aux lecteurs à la fin d'une histoire policière parce que nous avons besoin d'être certains que dans ce monde fictif, tout peut être connu. La justice est facultative mais il est obligatoire d'obtenir des réponses."
 



"La Métaphysique des Tubes" de Amélie Nothomb

"La Métaphysique des Tubes" de Amélie Nothomb
Ed. Albin Michel 2000. Pages 171.

Résumé: Parce qu'elle ne bouge pas et ne pleure pas, se bornant à quelques fonctions essentielles - déglutition, digestion, excrétion -, ses parents l'ont surnommée la Plante. L'intéressée se considère plutôt, à ce stade, comme un tube. Mais ce tube, c'est Dieu. Le lecteur comprendra vite pourquoi, et apprendra aussi que la vie de Dieu n'est pas éternelle, même au pays du Soleil levant... Avec cette " autobiographie de zéro à trois ans ", la romancière de Stupeur et tremblements, Grand Prix du roman de l'Académie française en 1999, nous révèle des aspects ignorés de sa personnalité et de la vie en général, tout en se montrant plus incisive, plus lucide et plus drôle que jamais.

La 7 de la page 7: "Ils cesseraient de lui donner à boire et à manger jusqu'à ce qu'elle réclame aussi elle finirait bien par être forcée de réagir." 

J'ai un véritable problème avec cette auteure. Non seulement sa plume me laisse totalement indifférente mais en plus ses sujets et ses personnages ne me parlent pas particulièrement. "La Métaphysique des Tubes" ne déroge pas à la règle. Impossible de me lancer dans cette histoire et dans cet univers. Je suis totalement passée à côté de l'histoire et l'écriture m'a laissée de marbre. Un jour, peut-être... Mais pas demain, demain j'ai licorne. 

Extrait: "Il existe depuis très longtemps une immense secte d'imbéciles qui oppose sensualité et intelligence. C'est un cercle vicieux: ils se privent de volupté pour exalter leurs capacités intellectuelles, ce qui a pour résultat de les appauvrir. Ils deviennent de plus en plus stupides, ce qui les conforte dans leur conviction d'être brillants - car on n'a rien trouvé de mieux que la bêtise pour se croire intelligent." 

"La Peau de Chagrin" de Honoré de Balzac

"La Peau de Chagrin" de Honoré de Balzac
Ed. Le Livre de Poche 1995. Pages 232.

Résumé: Un jeune homme veut mourir. Il entre par hasard chez un antiquaire et ce dernier lui fait cadeau d'une peau de chagrin couverte de signes mystérieux. Attention, la peau réalise tous les désirs, mais la réalisation de chacun d'eux la fait se rétrécir et raccourcit d'autant la vie de son possesseur. Ce jeune homme va être comblé de richesses et d'amour, seulement, il prendra peur de tous ses désirs et sera incapable de supporter le destin qu'il a choisi en acceptant le terrible talisman... 

La 7 de la page 7: "Chose inouïe! les vieillards émoussés, les employés pétrifiés, les spectateurs et jusqu'au fanatique Italien, tous en voyant l'inconnu éprouvèrent je ne sais quel sentiment épouvantable." 

Balzac part d'une idée assez simple: un homme possède une "peau de chagrin". Dès qu'il fait un vœu, celui-ci se réalise en même temps que la peau de chagrin se réduit. A chaque fois que cette peau de chagrin diminue, il perd du temps de vie. Simple. Efficace. 
Balzac s'attaque ici à la "magie". Cela lui permet de mettre en avant la thèse selon laquelle il vaut mieux, parfois, se contenter de ce que l'on a. A force de souhaiter ce qu'il ne peut avoir, le protagoniste perd un peu plus de ce qu'il a déjà. 
Balzac nous confronte à une réalité toujours moderne: si on pouvait, par magie, avoir tout ce que l'on souhaite, que serions-nous prêts à donner en échange? 
Alors que la fin tragique avance inexorablement, Balzac met aussi sa plume à l'épreuve: son protagoniste ne peut plus émettre aucun souhait. Véritable coup de maître syntaxique et de vocabulaire. 
Un classique qui se lit rapidement et avec un plaisir toujours renouvelé. 

Extrait: "Je vais vous révéler en peu de mots un grand mystère de la vie humaine. L’homme s’épuise par deux actes instinctivement accomplis qui tarissent les sources de son existence. Deux verbes expriment toutes les formes que prennent ces deux causes de mort : Vouloir et Pouvoir. Entre ces deux termes de l’action humaine, il est une autre formule dont s’emparent les sages, et je lui dois le bonheur et ma longévité. Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit, mais savoir nous laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme."

"Dragon Rouge" de Thomas Harris

"Dragon Rouge" de Thomas Harris
Ed. Pocket 2004. Pages 414.
Titre Original: "Red Dragon"

Résumé: À un mois d'intervalle, deux familles entières sont massacrées à leur domicile, l'une à Birmingham, l'autre à Atlanta. Jack Crawford, chef du département des Sciences du comportement du FBI, charge Will Graham de trouver celui que la presse a baptisé "le Dragon rouge". Par le passé, Graham a montré une aptitude incroyable à se mettre dans la peau d'un psychopathe en arrêtant le Dr. Hannibal Lecter, un assassin bestial. Il consulte donc Lecter, désormais emprisonné à vie, pour comprendre et analyser les comportements du tueur. Il constate qu'il a sévi la première fois un soir de pleine lune, et la seconde un jour avant la fin du mois lunaire. Le FBI a donc un peu plus de trois semaines pour mettre fin à ce carnage. Dans ce premier roman, Harris met en place les protagonistes que l'on retrouve dans Le Silence des agneaux, puis dans Hannibal.

La 7 de la page 7: "Le Dr. Lecter lui avait fait cela avec un couteau à linoleum." 

C’est dans ce roman que le célèbre Hannibal Lecter fait sa première apparition. Immortalisé au cinéma par Anthony Hopkins, le célèbre psychiatre fait désormais partie de la culture populaire.
Harris nous met face un personnage charismatique, cultivé et courtois. On en vient à oublier ses crimes monstrueux . Harris fait appel à nos désirs les plus sombres afin de nous rendre Lecter sympathique. Et cela fonctionne particulièrement bien. Pour des raisons inavouables, le lecteur prend directement le parti de Lecter sans se poser de questions. Tous les autres personnages sont eclipsés par son aura. Véritable tour de force de Harris qui transforme un personnage secondaire en véritable premier rôle de son œuvre et parvient à le faire entrer au panthéon des anti-héros littéraires et cinématographiques. 

Extrait: "Graham regarda fixement le carré de lumière sur l'écran. Il aimait bien les Leeds. Il regrettait de s'être rendu à la morgue. Il se dit que le dément qui leur avait rendu visite aurait pu les aimer, lui aussi. Mais il les préférait certainement dans l'état où ils se trouvaient à présent."
 

"Le Cercle de Dante" de Matthew Pearl

"Le Cercle de Dante" de Matthew Pearl
Ed. France Loisirs 2005. Pages 651.
Titre Original: "The Dante Club"

Résumé: Le juge Healey est dévoré vivant par des larves d'insectes. A peine est-il inhumé qu'une autre victime est découverte, puis une troisième - toutes assassinées selon des mises en scène atroces. La police est impuissante, incapable de décrypter les crimes qui terrorisent la tranquille et puritaine cité américaine. Personne dans ses rangs, pas plus qu'à Boston, n'est familier de Dante... Personne... sauf quatre hommes. Quatre poètes qui ont fait le serment de traduire La Divine Comédie et sont les seuls à parfaitement connaître le texte maudit. Quand ils voient dans les meurtres une copie des châtiments décrits dans L'Enfer, ils craignent d'être tenus pour suspects... Pour se disculper - et sauver la ville -, les érudits se font détectives. Mais l'assassin de Boston ne craint pas les poètes. Il vit dans leur ombre et se nourrit de leur savoir... Une étrange chasse à l'homme commence. Des coulisses feutrées de Harvard aux bas-fonds sordides du port de Boston, une enquête criminelle, romantique et sanglante... 

La 7 de la page 7: "Ce jour-là, elle avait découvert une première éclaboussure près du garde-manger- une tache rouge desséchée- puis une autre, au pied de l'escalier: une traînée, cette fois." 

Si vous aimez les romans où il se passe plein de choses, où on va de rebondissement en rebondissement et où les personnages sont atypiques... Bref, un roman où on ne s'ennuie pas, et bien ne lisez tout simplement pas "Le Cercle de Dante". Non seulement le roman est d'une lenteur pathologique mais en plus l'ennui cogne à la porte de chaque fin de paragraphe. Finir ce livre est un tour de force dantesque... 

Extrait: "Boccace raconte l'histoire suivante. Elle se passe à Vérone, où Dante vécut un temps pendant son exil. En sortant d'une maison, une femme l'aperçoit de l'autre côté de la rue et le désigne à une amie. "C'est Alighieri, dit-elle, l'homme qui va en Enfer aussi souvent que l'envie lui en prend et qui en rapporte des nouvelles des morts". "Oh, très certainement, répond l'autre. Voyez comme il a le teint noiraud et la barbe frisottée. A n'en pas douter, il a tâté de la fumée et de la chaleur de l'Enfer !" 

"Windows on the World" de Frédéric Beigbeder

"Windows on the World" de Frédéric Beigbeder
Ed. Grasset 2003. Pages 373.

Résumé: Vous connaissez la fin : tout le monde meurt. Certes, la mort arrive à pas mal de gens, un jour ou l'autre. L'originalité de cette histoire, c'est que tous ses personnages vont mourir en même temps et au même endroit. Est-ce que la mort crée des liens entre les êtres ?
Le seul moyen de savoir ce qui s'est passé dans le restaurant situé au 107e étage de la tour nord du World Trade Center, le 11 septembre 2001, entre 8 h 30 et 10 h 29, c'est de l'inventer. 

La 7 de la page 7: "Vous savez ce qu'on dit: Rockfeller a fait fortune en achetant toujours trop tard et en vendant toujours trop tôt." 

Roman à deux vitesses: une histoire passée et une histoire présente. D'un côté le 11 Septembre 2001 à New York, dans le cœur même des Tours Jumelles et de l'autre un auteur à Paris qui se demande ce qui aurait pu se passer dans ces Tours à la même date. 
Une véritable réussite de Beigbeder qui parvient à mettre en place des personnages crédibles et attachants ainsi qu'une structure narrative époustouflante. Il tient son lecteur en haleine. On dévore ce livre, le lecteur ne sait plus où donner de la tête tellement cette fiction ressemble à ce que notre imaginaire a créé pour le 11 Septembre 2001. Un véritable coup de chapeau et un vrai coup de cœur.

Extrait: "Ma vie est un désastre mais personne ne le voit car je suis très poli : je souris tout le temps. Je souris parce que je pense que si l'on cache sa souffrance elle disparait. Et dans un sens, c'est vrai : elle est invisible donc elle n'existe pas, puisque nous vivons dans le monde du visible, du vérifiable, du matériel. La douleur n'est pas matérielle ; elle est occultée. Je suis un négationniste de moi-même."  

dimanche 25 octobre 2015

"Les Liaisons Dangereuses" de Pierre Choderlos de Laclos

"Les Liaisons Dangereuses" de Pierre Choderlos de Laclos
Ed. Le Livre de Poche 1987. Pages 533.

Résumé: La jeune Cécile Volanges quitte son couvent pour faire l’apprentissage du monde et épouser le comte de Gercourt, mais une de ses parentes, la marquise de Merteuil, entend profiter de ce projet de mariage pour se venger d’une infidélité que lui a faite autrefois Gercourt. Elle charge donc son complice, le vicomte de Valmont, de pervertir Cécile avant ses noces. Mais loin de Paris, dans le château de sa vieille tante, Valmont s’est de son côté mis en tête de séduire la dévote présidente de Tourvel, et une idylle bientôt se noue entre la « petite Volanges » et le jeune Danceny.

La 7 de la page 7: "Je connais votre zèle, votre ardente ferveur; et si ce Dieu-là nous jugeait sur nos oeuvres, vous seriez un jour la patronne de quelque grande ville, tandis que votre ami serait au plus un saint de village." 

Roman épistolaire par excellence, "Les Liaison Dangereuses" met à nu une société française où une noblesse libertine et imbue d'elle-même ne se soucie que fort peu du reste de la population. Plaisir et influence, réputation et chute sociale sont les maîtres mots de ce chef-d’œuvre de Choderlos de Laclos.  L'auteur nous livre ici ses personnages en pâture. A nous d'en faire ce qu'on en souhaite et de porter les jugements que nous estimons nécessaires. 
Choderlos de Laclos, militaire frustré, règle ses comptes avec la noblesse française, celle-là même qui se permet tout sans jamais à avoir à subir les conséquences. 
Les emblématiques de Valmont et de Merteuil courent allègrement à leur perte et tentent de se jouer de tout et de tous. Mais ce qui restait alors impuni va vite se retourner contre eux. Ils devront payer. D'une manière ou d'une autre. Un classique immanquable. Toujours un plaisir à relire! 

Extrait: "L’humanité n’est parfaite dans aucun genre, pas plus dans le mal que dans le bien. Le scélérat a ses vertus, comme l’honnête homme a ses faiblesses. Cette vérité me paraît d’autant plus nécessaire à croire, que c’est d’elle que dérive
la nécessité de l’indulgence pour les méchants comme pour les bons; et qu’elle préserve ceux-ci de l’orgueil, et sauve les autres du découragement.

"Max" de Sarah Cohen-Scali

"Max" de Sarah Cohen-Scali
Ed. Gallimard (Scripto) 2012. Pages 473. 

Résumé: "19 avril 1936. Bientôt minuit. Je vais naître dans une minute exactement. Je vais voir le jour le 20 avril. Date anniversaire de notre Fürher. Je serai ainsi béni des dieux germaniques et l'on verra en moi le premier-né de la race suprême. La race aryenne. Celle qui désormais régnera en maître sur le monde. Je suis l'enfant du futur. Conçu sans amour. Sans Dieu. Sans loi. Sans rien d'autre que la force et la rage. Je mordrai au lieu de téter. Je hurlerai au lieu de gazouiller. Je haïrai au lieu d'aimer. Heil Hitler !"Max est le prototype parfait du programme "Lebensborn" initié par Himmler. Des femmes sélectionnées par les nazis mettent au monde de purs représentants de la race aryenne, jeunesse idéale destinée à régénérer l'Allemagne puis l'Europe occupée par le Reich.

La 7 de la page 7: "Ce serait terrible!..." 


Le roman débute sur un style brutal et parlé qui pourrait rebuter certains mais qui ne m'a pas dérangée. 
Le personnage de Max est paradoxal. On adorerait le haïr mais il n'est qu'un enfant. Ses propos sont infâmes même si ils ont été souvent prononcés dans une période sombre de notre histoire. On voudrait pouvoir juger Max mais le fait qu'il soit un pur produit nazi nous en empêche. Et c'est justement là que réside toute l'intelligence du livre. Il met en scène un petit être effroyable mais conditionné. De ce fait, il nous est difficile de le juger catégoriquement.  Car son conditionnement ne lui permet pas de prendre du recul par rapport aux propos qu'il tient. Il est une page vierge sur laquelle les nazis ont imprimé leur doctrine avant même qu'il ne naisse. Et là réside toute l'efficacité du livre. On sait qu'il pense réellement ce qu'il dit mais il ne comprend pas l'implication de ses paroles. Est-il responsable? Ce n'est qu'un enfant... Même si on voudrait qu'il comprenne les atrocités qu'il dit ou même commet, on ne peut pas vraiment le blâmer car il n'a pas la moindre idée qu'on l'utilise. C'est une arme de propagande et un outil de guerre.
L'arrivée de Lukas fait avancer l'histoire dans des sphères qu'on avait pas venu venir. L'histoire prend un nouveau tournant, plus émotionnel et moins clinique. Lukas est l'élément subversif. Non seulement il incarne tout ce que Max est sensé haïr mais Max s'attache à lui. 
Max cogite. Lukas met à mal toutes les théories qui ont donné la vie à Max. Lukas est l'antithèse de Max. Il change tout. De nouvelles perspectives se profilent. La relation entre les deux personnages est essentielle et pure. 
"Max" est un livre à lire. Tout le monde devrait l'avoir dans sa bibliothèque. Peu orthodoxe, peu politiquement correct, complètement décalé mais symboliquement superbe. 


Extrait: "Exercice de maniement du couteau. La cible sur laquelle nous nous exerçons n'est pas un disque où sont tracés une succession de cercles concentriques. L'instructeur en a fait fabriquer une spécialement pour notre groupe, afin de nous motiver tout en nous amusant. C'est une silhouette d'homme, grandeur nature. Elle représente un Juif. Un vieux Juif au nez plongeant sur la bouche, vêtu de hardes noires et crasseuses, aux doigts crochus en forme de pinces. Il a un abdomen difforme et, à la place du cœur, une grosse pièce d'or. C'est bien évidemment cette pièce que nous devons viser si nous voulons réussir notre tir."

 

"Les Anonymes" de R.J. Ellory

"Les Anonymes" de R.J. Ellory
Ed. Le Livre de Poche 2013. Pages 731.
Titre Original: "A Simple Act of Violence"

Résumé: Washington. Quatre meurtres. Quatre modes opératoires identiques. Tout laisse à penser qu'un serial killer est à l'oeuvre. Enquête presque classique pour l'inspecteur Miller. Jusqu'au moment où il découvre qu'une des victimes vivait sous une fausse identité, fabriquée de toutes pièces. Qui était-elle réellement ? Ce qui semblait être une banale enquête de police prend alors une ampleur toute différente et va conduire Miller jusqu'aux secrets les mieux gardés du gouvernement américain.

La 7 de la page 7: "Et James Stewart dit: "Eh bien, bonjour."" 

Je commence à me demander si je ne serais pas atteinte d'un complexe d'Ellory... Je m'explique: j'aime beaucoup la plume de l'auteur et j'aime sa manière de raconter des histoires mais vient toujours un moment dans ses romans où je me plains de la lenteur de la narration. J'ai l'impression qu' Ellory tourne autour du pot. De plus, dans "Les Anonymes", je n'ai pas été séduite par le côté conspirationniste de l'intrigue. beaucoup trop "prise de tête" pour moi. 
Cela reste un bon livre mais il est grand temps que je commence à me demander si, au final, le style d'Ellory me convient réellement. 

Extrait: "Elle voit alors le visage de George Bailey s'éclairer devant la danse, et Mary qui regarde George: c'est un de ces moments de coup de foudre, de paralysie complète, qui n'arrivent qu'aux meilleurs d'entre nous, et qu'une seule fois dans la vie. Et si vous ne cédez pas à ce moment, à cette magie instantanée qui envahit votre cœur, votre tête, le moindre centimètre carré de votre corps...si vous n'y cédez pas, vous y repenserez toujours comme à LA chose que vous auriez du faire, la seule chose que vous auriez vraiment dû faire, celle qui aurait pu changer votre vie du tout au tout, qui aurait pu la rendre digne d'être vécue, lui donner plus de sens que ce avec quoi vous vous retrouvez au final... " 

"Mensonges, Mensonges" de Stephen Fry

"Mensonges, mensonges" de Stephen Fry
Ed. J'ai Lu 2003. Pages 382.
Titre Original: "The Liar"

Résumé: Adrian Healey est un menteur compulsif et invétéré. Il est jeune, beau, très intelligent, extrêmement cynique, sans scrupule, spirituel et tricheur. Ses excentricités, son homosexualité tapageuse et ses provocations en font le héros scandaleux de son collège. Du moins, tant qu'il en fait encore partie... Des années plus tard, un de ses professeurs l'entraîne à son tour dans une aventure rocambolesque.
Avec un humour décapant, des dialogues caustiques pleins d'esprit, Stephen Fry fustige l'hypocrisie et bouscule la bonne société anglaise.

La 7 de la page 7: "Quoi! Mais qu'est-ce qu'il s'est foutu sur le poil?" 
 
Même si j'aime beaucoup Stephen Fry, force est de constater que ce roman tire parfois en longueur. Si il y a des passages très drôle, ça ne suffit pas à totalement sauver le roman. 
"Mensonges, mensonges" est un bon livre. Plaisant même... Mais on reste sur sa fin. Je le recommande pour la qualité de la plume et l'acidité des propos. Mais si vous avez le choix avec un autre Stephen Fry, n'hésitez pas, prenez l'autre...

Extrait: "Tom traçait toujours son chemin avec ses propres idées. Il était arrivé à avoir les cheveux les plus longs de l'Internat et la plus grande consommation publique de nicotine de toute l'École, tout cela sans jamais attirer l'attention sur lui. Tout se passait comme s'il se laissait pousser les cheveux et fumait ses cigarettes parce qu'il aimait ça, et non parce qu'il aimait être vu. Voilà qui était dangereusement subversif."

"Hunger Games" de Suzanne Collins

"Hunger Games" de Suzanne Collins
Ed. Pocket Jeunesse 2009. Pages 399.
Titre Original: "The Hunger Games"

Résumé: Les Jeux de la Faim ; 24 candidats pour un seul survivant, le tout sous le feu des caméras ?
Dans chaque district de Panem, une société reconstruite sur les ruines des États-Unis, deux adolescents sont choisis pour participer au Jeu de la Faim. La règle est simple : tuer ou se faire tuer. Celui qui remporte l'épreuve, le dernier survivant, assure la prospérité à son district pendant un an.
Katniss et Peeta sont les « élus » du district numéro douze. Les voilà catapultés dans un décor violent, semé de pièges, où la nourriture est rationnée et, en plus, ils doivent remporter les votes de ceux qui les observent derrière leur télé...
Les alliances se font et se défont et Peeta déclare sa flamme pour Katniss à l'antenne. Calcul? Tout est possible, et surtout tout est faussé au sein du Jeu de la Faim...

La 7 de la page 7: "Tout serait parfait s'il s'agissait vraiment d'un jour férié, si nous avions la journée devant nous pour courir la montagne et chasser le dîner de ce soir." 

Le monde est divisé en districts. Les richesses aussi. Dans le district de Katniss, la pauvreté est légion. Afin de soumettre le peuple, le Capitole organise des jeux chaque année. Dans ceux-ci, deux jeunes de chaque district sont tirés au sort pour participer aux jeux. Ces jeux consistent, en fait, en une tuerie générale où le dernier survivant gagne une année d'abondance pour son district. Bref, une version édulcorée de "Battle Royale" à l'américaine. Mis à part qu'ici, l'intrigue met énormément de temps à avancer et à se construire. Et en plus, les personnages sont fort peu sympathiques (Katniss, ado rebelle agaçante et Peeta, lisse au possible) 
Collins se défend de "plagiat". Et elle a tout à fait raison! Ce n'est clairement pas "Battle Royale". Non vraiment pas! En plus, la défense de la "critique sociologique" de "Hunger Games" est rebutante au-delà de toute compréhension. Non, "Hunger Games" n'est pas une critique de la société et de son mode de fonctionnement. Non, c'est juste prendre une histoire déjà existante mais en la modifiant assez pour qu'on ne puisse pas crier au plagiat. 
En plus, il y a un côté "culcul la praline" particulièrement récurrent dans "Hunger Games" qu'il n'y a pas dans "Battle Royale". Les personnages sont hautement agaçant et c'est presque avec dépit qu'on se rend compte que, puisqu'il y a trois tomes, Katniss est plutôt en sécurité dans le premier volet. (Et c'est bien dommage, moi j'avais déjà envie de la voir partir à la page 13...) 
Ce livre m'a juste donné envie de retourner lire "Battle Royale". Ne vous attendez pas à trouver une chronique sur les tomes suivants sur ce blog. La torture a ses limites. 

Extrait: "Il arrive alors une chose inattendue. Pour moi, en tout cas, parce que je ne pensais pas compter dans le district Douze. Mais il s'est produit un changement quand je me suis avancée pour prendre la place de Prim, et on dirait désormais que je suis devenue quelqu'un de précieux. Une personne, puis deux, puis quasiment toute la foule porte les trois doigts du milieu de la main gauche à ses lèvres avant de les tendre vers moi. C'est un vieux geste de notre district, rarement utilisé, qu'on voit parfois lors des funérailles. Un geste de remerciement, d'admiration, d'adieu à ceux que l'on aime."

samedi 24 octobre 2015

"L'Egoïste Romantique" de Frédéric Beigbeder

"l'Egoïste Romantique" de Frédéric Beigbeder
Ed. Grasset 2005. Pages 398. 

Résumé: Cette histoire débute en l'an 2000. Oscar Dufresne a trente-quatre ans. C'est un écrivain fictif, comme il y a des malades imaginaires. Il tient son journal dans la presse pour que sa vie devienne passionnante. Il est égoïste, lâche, cynique et obsédé sexuel - bref, c'est un homme comme les autres. Ainsi l'auteur définit-il son livre, journal d'une époque et chronique d'une génération:" il faudrait inventer pour le délire dufresnien, en hommage à Malraux, la dénomination antijournal. C'est un miroir déformant que je promène le long de mon nombril."

La 7 de la page 7: "C'est la plus belle histoire d'amour que j'ai jamais reçue." 

Le "cas Beigbeder" est assez curieux. Je m'explique, on l'aime ou on le déteste. Il fait partie de ces auteurs qui ne connaît pas le juste milieu. Pour ma part, j'aime son travail. J'aime le style virulent, insolent et provocateur de cet auteur.
J'ai déjà lu plusieurs de ses ouvrages: "99 Francs" que je n'ai pas particulièrement aimé et "L'amour dure trois ans" que j'ai adoré.
Mais concentrons-nous sur "L’Égoïste Romantique". Roman écrit dans le style "journal intime fictionnel", Oscar Dufresne nous raconte ses péripéties amoureuses, professionnelles et personnelles. On passe de fille en fille jusqu'à ce qu'il trouve Françoise dont il tombe amoureux. On passe de club en club et de ville en ville pour des aventures emplies de drogues, d'alcool et de sexe. Sans oublier la phrase de la semaine qui fait sourire, qui fait réfléchir ou qui nous fait se taper le front de consternation.
Critique virulente de la société de consommation et de l'univers du spectacle (au sens large...) Lu au premier degré, Beigbeder serait brûlé sur la place publique... Mais on ne lit pas ce livre sans avoir l'option 37ème degré. Personnellement, je recommande ce livre cynique qui parvient à garder une naïveté presque enfantine.

Extrait: "La masturbation, c'est être homosexuel avec soi-même."  
 

"Devine qui vient mourir ce soir?" de Ben Elton

"Devine qui vient mourir ce soir?" de Ben Elton
Ed. le Livre de Poche 2007. Pages 444.
Titre Original: "Dead Famous"

Résumé: Sommes-mous tous des voyeurs? Prenez dix candidats prêts à tout pour devenir riches et célèbres, enfermez-les dans une maison surchauffée pendant neuf semaines sous l' oeil de trente caméras, vous obtenez la dernière création sulfureuse de Voyeur Prod.
Si, au vingt-septième jour de l' émission, vous y ajoutez un meurtre en direct et un coupable non identifié, vous explosez l' audimat, et infligez au très british commissaire Coleridge la pire enquête de sa carrière : il lui faudra toute sa pacience de vieux limier pour trouver le coupable parmi cette bande d' abrutis bien moins innocents qu' il n' y paraît. Une comédie décapante doublée d' un suspense palpitant.

La 7 de la page 7: "Si j'ai bien suivi, tu dis qu'en fait un paquet de mecs blancs pourraient nous battre à la course ou sur un ring ou à n'importe quoi d'autre si seulement ils étaient pas aussi occupés à devenir docteurs et Premiers Ministres." 

Avec "Devine qui vient mourir ce soir?" Ben Elton nous livre la télé-réalité en pâture. Mais il le fait avec humour, désinvolture et férocité. 
Le principe est fort simple: une émission de télé-réalité. Des candidats. Une production. Des spectateurs. Un meurtre. Des suspects. Et tout ça dans une maison dont personne ne peut sortir et surveillée 24H/24H. 
Oubliez l'aspect policier du roman, il ne sert, grosso modo qu'à mettre en place une histoire qui va permettre à Elton de dégommer méthodiquement les processus de télé-réalité. 
C'est drôle et les personnages, si ils sont un peu clichés, sont férocement bien décrits. 
Un pur régal. 

Extrait: "Je vote moi même pour être éliminé du jeu, déclara til de sa voix monocorde lors de son passage dans le confessionnal. Et ce parce que je rejette entièrement en bloc ce système hautement arbitraire et digne des jeux du cirque."   

"Je tue" de Giorgio Faletti

"Je tue" de Giorgio Faletti
Ed. J'ai Lu 2005. Pages 572. 
Titre Original: "Io Uccido"
Résumé: Lors d'une de ses émissions nocturnes en direct, Jean-Loup Verdier, animateur vedette de Radio Monte-Carlo, reçoit un étrange appel. D'une voix plate et sans timbre, un inconnu confie qu'il apaise sa folie par le meurtre. " Je tue... ", lance-t-il, avant de faire entendre quelques mesures de musique et de raccrocher. Cet aveu passe pour une blague de mauvais goût. Mais dès le lendemain, un célèbre pilote de Formule 1 et sa petite amie, fille d'un
général, sont sauvagement assassinés sur leur yacht.
Ce n'est que le premier épisode d'une série de meurtres particulièrement atroces, que vient invariablement rythmer cette petite phrase : " Je tue... ".

La 7 de la page 7: "A la sortie, il retrouva le spectacle accoutumé du port et de ses lumières, où selon toute probabilité, quelques centaines de millions d'euros ondulaient comme tous les jours, sous forme de yachts et autres voiliers de luxe." 

Il est alléchant ce petit résumé! Et c''est sans doute le seul réel intérêt de ce thriller.  Il est bien présenté. Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas écrit... L'idée de base est très bonne. Mais ça ne méritait pas 569 pages... L'idée est excellente mais cela manque "d'ambiance". Je m'explique. Oui un meurtrier appelle une station de radio et dit "je tue" et hop une petite musique inquiétante derrière... On pourrait se dire que l'ambiance du roman suivrait. Mais non, le reste est assez plat. Certains personnages sont trop développés alors que pour d'autres on doit parfois retourner en arrière pour savoir "c'est qui au juste encore celui-là?"... Un fin rocambolesque à laquelle on ne croit pas une seule seconde. De plus, la plume n'aide pas forcément l'histoire. Un peu trop académique à mon goût.
Une grosse déception. 

Extrait: "Le Grand Prix de Formule 1 qui venait d’avoir lieu, était le signal de l’été monégasque. A partir de maintenant, les jours, les soirées et les nuits de la Côte allaient être un va-et-vient d’acteurs et de spectateurs. D’un côté des limousines avec chauffeur transportant des gens à l’expression suffisante et ennuyée. De l’autre, des petites cylindrées remplies de gens en sueur et pleins d’admiration. Comme ceux-ci plantés devant les vitrines éclairées que reflétaient leurs yeux. Certains se demandaient sûrement où trouver le temps d’acheter telle veste ou tel bijou ; d’autres, où trouver l’argent. Ils étaient le jour et la nuit, deux catégories extrêmes, entre lesquelles existait une variété impressionnante de nuances de gris. Beaucoup vivaient dans le seul but de jeter de la poudre aux yeux, beaucoup d’autres avec celui de s’en protéger."
 

"La rançon du mensonge" de Peter Temple

"La rançon du mensonge" de Peter Temple
Ed. France Loisirs 2010. Pages 332.
Titre Original: "Shooting Star"

Résumé: L'arrière-petite-fille de Pat Carson, patriarche d'une richissime famille australienne, a été enlevée.
Le vieil homme fait appel à Frank Calder pour remettre la rançon aux ravisseurs. Il y a déjà eu un rapt des années auparavant et la petite-fille avait échappé par chance à ses ravisseurs. Y a-t-il un lien entre les deux affaires? S'agit-il de l'appât du gain? D'une vengeance? Frank Calder se retrouve à mener l'enquête pour découvrir de sombres secrets de famille...

La 7 de la page 7: "Sans regarder, il désigna du pouce le couloir derrière lui." 

Bon, bon, bon... Je n'ai pas du tout aimé. Mais alors vraiment pas. L'intrigue est peu haletante pour un thriller. Je me suis ennuyée du début à la fin. Les personnages ne sont pas du tout sympathiques et pas du tout attachants. On sent directement où Temple veut nous emmener et c'est directement là où on va. Aucune surprise. Aucun intérêt. Passez votre chemin, ce roman ne mérite même pas les quelques heures qu'il faut pour le lire.

Extrait: "La maison était située dans une rue donnant sur Ballarat Road. C'étaient de méchantes baraques de bardeaux avec des toits rouillés et de misérables bouts de pelouse, de part et d'autre d'une étroite bande de bitume vérolé."  

"Le Nazi et le Barbier" de Edgar Hilsenrath

"Le Nazi et le Barbier" de Edgar Hilsenrath
Ed. Attila 2010. Pages 506.
Titre Original: "The Nazi and the Barber. A Tale of Vengeance"

Résumé: 1933. Max, le fils bâtard de la pute Minna Schulz, s'enrôle dans les SS à l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Affecté dans un camp d'extermination, où disparaissent son meilleur ami (juif) et toute sa famille, il décide à la fin de la guerre de se faire passer pour juif... et endosse l'identité de son ami assassiné. Max Schulz, devenu Itzig Finkelstein, épouse la cause juive, traverse l'Europe et rejoint la Palestine, où il devient barbier et sioniste fanatique. Le Nazi et le Barbier fut, trente ans avant Les Bienveillantes, le premier roman sur l'Holocauste écrit du point de vue du bourreau. L'humour (noir) en plus.

La 7 de la page 7: "Je veux dire, il est pas juif." 

Un ovni total et irrésistible. L'histoire, déjà. Un humour dérangeant mais dans lequel on se complait. Parce que "Le Nazi et le Barbier" est drôle. Très drôle. Et en même temps, on rit jaune ou on a un peu honte d'avoir osé "rire d'un sujet comme celui-là". Les personnages sont bien écrits et très originaux. On ne rentre pas ici dans des clichés parfois beaucoup trop faciles et parfois trop usés. L'histoire est rocambolesque et mérite d'être lue et relue à souhait. 
Mais au-delà de toutes ces qualités indéniables: l'histoire, les personnages, la plume, le ton; c'est surtout le thème qui ici est parfaitement maîtrisé. On peut disserter sur le fait que ce livre traite du nazisme et de la deuxième guerre mondiale. Certes. Mais Hilsenrath décide aussi de s'attaquer au sionisme pur et dur. Un nazi qui devient sioniste, si ça c'est pas l'idée du siècle! 
L'auteur, allemand, fait le choix de s'attaquer aux extrémismes en règle générale. En effet, il nous présente un personnage tout aussi nazi que sioniste. C'est absurde. Et pourtant, pas tant que ça. Hilsenrath met bien en avant que ce sont surtout les personnes qui sont extrémistes et cela quelle que soit leur cause. Max a besoin d'une idéologie qui pense à sa place. C'est un être méprisable du début à la fin. Il fait des choix amoraux et applique des idéologies sans se poser plus de questions que nécessaire. Emblème par excellence des extrémismes qui dirigent la pensée, "Le Nazi et le Barbier" est la preuve littéraire que quelles que soient les idéologies, quand elles sont portées à l'extrême, elles en deviennent toutes mauvaises. On est donc ici aussi en présence d'un plaidoyer politique et humain. Ne vous laissez pas mener par le bout du nez par des paroles proférées par les autres. Réfléchissez par vous-même. Et surtout, ne vous laissez jamais embobiner par de belles paroles. Max hait les juifs car il faut haïr les juifs. Max devient sioniste car il faut protéger ses terres dans son exil. Bref, il pense ce qu'on lui demande de penser sans jamais remettre le discours en doute. 
Une très belle leçon de Hilsenrath. 

Extrait: "Le bon Dieu n'a t il pas inventé l'innocence pour qu'elle se fasse piétiner, écraser ici-bas...sur cette terre ? les faibles et désarmés ne se font ils pas bousculer par les forts ? matraquer, violer, humilier, enculer ? voire à certaines époques exterminer ? vrai ou faux ? et si c'est vrai ....pourquoi dites vous que c'est Max Schulz qui a un grain?" 

"Lettres de mon moulin" de Alphonse Daudet

"Lettres de mon moulin" de Alphonse Daudet
Ed. Le Livre de Poche 1977. Pages 302.

Résumé: Jeune encore et déjà lassé du sombre et bruyant Paris, Alphonse Daudet vient de passer les étés dans son moulin de Fontvielle, " piqué comme un papillon " sur la colline parmi les lapins. Dans cette ruine ensoleillée de la vallée du Rhône , naissent ces contes immortels qui assureront sa gloire. Au loin, on entend la trompe de Monsieur Seguin sonnant sa jolie chèvre blanche. Dans le petit bois de chênes verts, un sous-préfet s'endort en faisant des vers. Au ciel, où les étoiles se marient entre elles, le Curé de Cucugnan compte ses malheureux paroissiens. Et dans la ville voisine, un jeune paysan meurt d'amour pour une petite Arlésienne tout en velours et dentelles qu'on ne verra jamais. Le vieux moulins abandonné est devenu l'âme et l'esprit de la Provence. Dans le silence des Alpilles ou le trapage des cigales et des tambourins, parfumés d'émotions , de sourires et de larmes, ces contes semblent frappés d'une éternelle jeunesse. 

La 7 de la page 7: "Le Camarguais racontait qu'il venait de Nîmes mandé par le juge d'instruction pour un coup de fourche donné à un berger." 

Lecture d'enfance, "Lettres de mon moulin" conserve une saveur particulière dans mon cœur. J'ai, en effet, lu ce livre très jeune. Et je me régalais de passer mes vacances en Provence avec mes parents en me remémorant ce livre qui sent le soleil et sonne les cigales. 
Avec le recul, force est de constater que ce recueil de nouvelles est, somme toute, assez inégal. Toutes les nouvelles ne se valent pas mais les descriptions restent implacable et on voyage dans cette Provence de Daudet. On emprunte les sentiers ensoleillés et on se repose à l'ombre des arbres. 
Et juste pour ça, "Lettres de mon moulin" conservera toujours cette saveur d'enfance et de vacances. 

Extrait: "De temps en temps, le coup de vent du large parvenait à se glisser dans la baie et enveloppait notre maison. On le sentait à la montée subite de la flamme qui éclairait tout à coup les visages mornes des matelots, groupés autour de la cheminée et regardant le feu avec cette placidité d’expression que donne l’habitude des grandes étendues et des horizons pareils. Parfois aussi, Palombo se plaignait doucement. Alors tous les yeux se tournaient vers le coin obscur où le pauvre camarade était en train de mourir, loin des siens, sans secours ; les poitrines se gonflaient et l’on entendait de gros soupirs. C’est tout ce qu’arrachait à ces ouvriers de la mer, patients et doux, le sentiment de leur propre infortune. Pas de révoltes, pas de grèves. Un soupir, et rien de plus!