mercredi 27 septembre 2017

"One of us is lying" de Karen McManus

"One of us is lying" de Karen McManus
Ed. Penguins Books 2017. Pages 368.

Résumé: Pay close attention and you might solve this.
On Monday afternoon, five students at Bayview High walk into detention.
Bronwyn, the brain, is Yale-bound and never breaks a rule.
Addy, the beauty, is the picture-perfect homecoming princess.
Nate, the criminal, is already on probation for dealing.
Cooper, the athlete, is the all-star baseball pitcher.
And Simon, the outcast, is the creator of Bayview High’s notorious gossip app.
Only, Simon never makes it out of that classroom. Before the end of detention Simon's dead. And according to investigators, his death wasn’t an accident. On Monday, he died. But on Tuesday, he’d planned to post juicy reveals about all four of his high-profile classmates, which makes all four of them suspects in his murder. Or are they the perfect patsies for a killer who’s still on the loose?
Everyone has secrets, right? What really matters is how far you would go to protect them.

La 7 de la page 7: "Mr. Avery points towards the sink at the back of the room, it counter crowded with beakers and petri dishes." 

Premier roman de Karen McManus. On est clairement dans un roman jeunesse qui s'adresse à des adolescents aussi bien dans le style que dans l'intrigue. Si il y a parfois quelques faiblesses dans le texte, on ne peut que constater que cette histoire fonctionne plutôt bien. Une salle de retenue, un mort et quatre suspects qui auraient plus de raisons de tuer la victime que ce qu'il n'y paraît aux premiers abords. Si les secrets de chacun sont quelque peu prévisibles, on passe tout de même un bon moment. Cela nous permet également d'entrer dans la vie de ces jeunes et de leur quotidien dans ce lycée américain. Les personnages sont attachants et si le dénouement est un peu trop prévisible, on reste sur un très bon thriller jeunesse.

Extrait: "A sex tape. A pregnancy scare. Two cheating scandals. And that's just this week's update. If all hyou knew of Bayview High was Simon Kelleher's gossip app, you'd wonder how anyone found the time to go to class."

"La villa rouge" de James Patterson

"La villa rouge" de James Patterson
Ed. L'Archipel 2017. Pages 472.
Titre Original: "Murder House".

Résumé: Dans les Hamptons (Long Island), au 7 Ocean Drive, se dresse une impressionnante maison à la façade gothique avec une vue imprenable sur l’océan.Mais elle est à l’abandon depuis plusieurs années et tombe en décrépitude. On la dit maudite. Il est vrai que la Villa rouge, telle qu’on la surnomme, a été par le passé le théâtre d’une série de meurtres jamais résolus.
Quand un nabab d’Hollywood et sa maîtresse y sont retrouvés sans vie, tous pensent que la malédiction frappe de nouveau.
Jenna Murphy, une ancienne flic de New York, va mener l’enquête. Elle qui, enfant, jouait sur la plage non loin de la maison, voit ressurgir en elle une terreur qu’elle croyait pourtant éteinte…
Mais la Villa rouge n’a sans doute pas encore révélé tous ses mystères… et Jenna pourrait bien en être la prochaine victime. 

La 7 de la page 7: "Leurs destins ne se sont pourtant croisés que six semaines auparavant." 

On ne peut pas dire que le quatrième de couverture de "La villa rouge" ne soit pas alléchant, ce serait mentir. Les personnage sont intéressant mais ne permettent pas toujours au lecteur de s'investir en eux. Et si l'intrigue est intéressante, il est important de constater qu'au final, elle en révèle trop, trop vite. On devine vite qui se cache derrière les traits du tueur. Et de ce fait, on est totalement agacé que le personnage principal semble incapable de le trouver elle-même. 
La fin est prévisible et là où on nous révèle la grande surprise finale, on n'est pas particulièrement surpris car cela faisait déjà un moment qu'on avait découvert le pot aux roses. Dommage. 

Extrait: "Lorsqu'il se réveille, il fait encore nuit et un souffle d'air froid pénètre dans sa chambre par la fenêtre ouverte. Il se lève une heure plus tard en temps ordinaire, mais il n'a quasiment pas fermé l'oeil de la nuit, dans l'attente de cette journée. Il n'est même pas certain d'avoir dormi."

"Les proies" de Thomas Cullinan

"Les proies" de Thomas Cullinan
Ed. Rivages 2017. Pages 679.
Titre Original: "The Beguiled"

Résumé: Le 6 mai 1864, la forêt de la Wilderness est le théâtre de l'une des plus effroyables batailles de la guerre de Sécession. L(orage d'acier que déchaîne ce jour-là l'artillerie rebelle de Robert Lee, à laquelle répond celle du général de l'Union Ulysses Grant, embrase sans distinction arbres et fantassins. Malgré ses blessures, un caporal nordiste réussit à s'échapper du brasier et trouve refuge dans un pensionnat pour jeunes filles confédéré. Mais l'intrusion soudaine d'un mâle vient perturber la vie des recluses, pétries de valeurs puritaines et de pulsions refoulées, des huit femmes qu'abrite encore l'institution. Objet de tous les fantasmes, le soldat va s'employer à les incarner avec un art consommé de la manipulation, jusqu'à une nuit où tout bascule. Dès lors, la haine sera sa seule maîtresse, la vengeance l'unique motivation de ses anges gardiens.

La 7 de la page 7: "Quand ma jambe aura fini de saigner." 

"Les Proies" est un livre assez long. Trop long et trop lent, il ne s'y passe pas grand chose. Ce roman aurait pu être beaucoup plus court. Mais surtout, il m'a manqué un petit quelque chose pour vraiment m'investir dans ce roman. Les personnages féminins sont certes bien exploités et on sent bien que chaque type de "cliché féminin" est bien présent dans ce roman. Cullinan parvient à adapter son style et sa structure narrative pour chacun de ses personnages. Mais tout cela semble trop facile. Et puis surtout, après avoir avalé autant de pages, on s'attendrait à avoir une fin en apothéose. Mais non, même là, on reste sur sa fin. Un roman en demi teinte, à lire si vous n'avez plus rien d'autre.  

Extrait: "Je l'ai trouvé dans les bois. Miss Harriet m'avait donné la permission d'aller chercher des champignons à condition que je promette de ne pas dépasser l'ancienne piste indienne, juste avant la pente où les bois commencent à descendre vers le ruisseau.
 


"Ragdoll" de Daniel Cole

"Ragdoll" de Daniel Cole.
Ed. Robert Laffont 2017. Page 458.

Résumé: Six victimes. Aucun fil rouge. Votre nom figure sur la liste du tueur. La date de votre mort aussi… Pour une fois, fiez-vous aux apparences : déjà vendu dans 34 pays, Ragdoll est LE thriller de l’année ! « À vous couper le souffle. Si vous avez aimé “Seven”, vous adorerez ! » M.J. Arlidge, auteur du best-seller Am Stram Gram La police découvre un cadavre composé de six victimes démembrées, assemblées entre elles par des points de suture telle une marionnette, et que la presse va rebaptiser Ragdoll, la poupée de chiffon. L’inspecteur Fawkes, qui vient juste d’être réintégré à la Metropolitan Police de Londres, dirige l’enquête sur cette épouvantable affaire, aidé par son ancienne coéquipière, l’inspecteur Baxter. Le tueur nargue la police en diffusant via les médias une liste de six noms, et en précisant les dates auxquelles il compte les assassiner. Fawkes et Baxter réussiront-ils à sauver ces six personnes, quand le monde entier garde les yeux braqués sur chacun de leurs mouvements ?

La 7 de la page 7: "Les jurés, au nombre de douze, s'éclipsèrent ensuite par la porte située derrière la barre de témoins pour délibérer." 

Dès qu'on ouvre "Ragdoll", on est aspiré dans un rythme effréné. Pas le temps de respirer, l'action s'enchaîne çà une rapidité folle. Premier roman de Daniel Cole, on se dit vite qu'on a entre les mains un véritable petit bijou du thriller. Pas de chichi interminable, on entre directement dans le vif du sujet, sans se poser de question. 
On tourne les pages avec avidité, d'autant plus que les personnages sont justes et correctement exploités. Ils n'en font pas trop et et cette équipe de policiers est crédible. On va de rebondissement en rebondissement avec délectation. Et tout à coup, sans prévenir, le rythme baisse sans qu'on sache vraiment pourquoi. Et quand la révélation finale nous est exposée, on hausse les sourcils et on assiste, impuissants, à un flop monumental. Une fine en laquelle il est très difficile de croire. Et c'est bien dommage car on attendait beaucoup de ce roman. Surtout quand on constate que le roman en lui-même avait un tel potentiel. Pour qu'au final la fin nous gâche notre plaisir et ne fasse de "Ragdoll" est une grosse déception. 

Extrait: "La bonne humeur d'Edmunds découlait du fait qu'il avait fini par dégotter la référence exacte qui correspondait au vernis prune. Il ignorait encore comment cette information pouvait s'avérer utile, mais c'était un pas important dans l'identification du bras droit de Ragdoll. En arrivant dans l'open space, il constata que Baxter était déjà à son bureau. Même de si loin, il pouvait affirmer qu'elle était d'une humeur massacrante."

mercredi 20 septembre 2017

"Conclave" de Robert Harris.

"Conclave" de Robert Harris.
Ed. Plon 2017. pages 306.

Résumé: Le pape est mort. Derrière les portes closes de la Chapelle Sixtine, cent dix-huit cardinaux venus des quatre continents vont participer à l'élection la plus secrète qui soit. Ce sont tous des hommes de foi. Mais ils ont des ambitions. Et ils ont des rivaux. En secret, les alliances se préparent.Ce n'est plus qu'une question d'heures... L'un de ces cardinaux va devenir la figure spirituelle la plus puissante au monde. Sur la place Saint-Pierre, deux cent cinquante mille chrétiens attendent de voir la fumée blanche apparaître.

La 7 de la page 7: "Des rideaux et des murs jaune pâle, un parquet vitrifié." 

"Conclave" est un thriller politique particulièrement bien ficelé. Dès le départ, Harris trouve le bon ton et nous fait un travail d'introduction particulièrement remarquable. Il y a un nombre incalculable de personnages mais, jamais cela ne sera un obstacle à la lecture de ce roman. Harris nous expose bien qui est qui et nous donne toutes le clefs afin de bien suivre son intrigue. Et dès que l'introduction est terminée, on entre dans le vif du sujet  avec un premier mystère, directement suivi, dans la foulée, par un deuxième. On sent qu'on entre dans un roman à rebondissements mais qu'il faudra, probablement, prendre pas mal de recul pour pouvoir entrevoir l'ensemble des tenants et des aboutissants. Le rythme est assez soutenu et le lecteur est happé dans la politique de ce Conclave, avide du prochain rebondissement. Harris donne l'impression au lecteur de faire partie des débats, chaque lecteur choisira, lui aussi, son poulain. 
Harris ficèle son intrigue avec talent et mêle plusieurs thématiques, tout en restant dans un système efficace de huis-clos. On oublie les réalités extérieures comme les personnages mais elles vont pourtant nous rattraper avec force. 
Seul petit bémol, il est dommage que le rebondissement final soit un peu trop prévisible mais cela ne gâche en rien la qualité de ce roman. 

Extrait: "On avait abandonné les trônes en 1965, après le concile Vatican II, comme tant d'autres vieilles traditions de l’Église. On considérait maintenant que le Collège des cardinaux était bien trop nombreux et international pour ce genre de meringue Renaissance. Une part de Lomeli aspirait cependant à un peu de meringue Renaissance, et il songeait en secret que le dernier pape avait parfois exagéré sa rengaine de simplicité et d'humilité. Un excès de simplicité devenait après tout une forme d'ostentation, et s'enorgueillir de son humilité était un péché."

"Le Livre des Baltimore" de Joel Dicker

"Le Livre des Baltimore" de Joel Dicker
Ed. De Fallois poche 2017. Pages 593.

Résumé: Jusqu'au jour du Drame, il y avait deux familles Goldman. Les Goldman-de-Baltimore et les Goldman-de-Montclair. Les Goldman-de-Montclair, dont est issu Marcus Goldman, l'auteur de La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert, sont une famille de la classe moyenne, habitant une petite maison à Montclair, dans le New Jersey. Les Goldman-de-Baltimore sont une famille prospère à qui tout sourit, vivant dans une luxueuse maison d'une banlieue riche de Baltimore, à qui Marcus vouait une admiration sans borne. Huit ans après le Drame, c'est l'histoire de sa famille que Marcus Goldman décide cette fois de raconter, lorsqu'en février 2012, il quitte l'hiver new-yorkais pour la chaleur tropicale de Boca Raton, en Floride, où il vient s'atteler à son prochain roman. Au gré des souvenirs de sa jeunesse, Marcus revient sur la vie et le destin des Goldman-de-Baltimore et la fascination qu'il éprouva jadis pour cette famille de l'Amérique huppée, entre les vacances à Miami, la maison de vacances dans les Hamptons et les frasques dans les écoles privées. Mais les années passent et le vernis des Baltimore s'effrite à mesure que le Drame se profile. Jusqu'au jour où tout bascule. Et cette question qui hante Marcus depuis : qu'est-il vraiment arrivé aux Goldman-de-Baltimore ?

La 7 de la page 7: "Vous, vous écrivez pour vous occuper l'esprit." 

C'est avec "Le Livre des Baltimore" que l'on retrouve, avec plaisir, Joel Dicker qui nous avait subjugué avec L'affaire Harry Québert. Et force de constater que la plume de l'auteur suisse est toujours aussi efficace. Dicker s'engouffre dans un conflit de famille bien plus complexe que ce qui semble au départ. Divisée en deux parties, les Montclair et les Baltimore. Les premiers, de revenus plus modestes et les deuxième qui vivent dans le luxe et l'argent. Et si le texte est, lui aussi, divisé, Dicker ne nous raconte, en fait, qu'une seule et unique histoire. Celle de Marcus qui se retrouve entre ses deux familles. Tout est lié. 
Et il est très difficile de lâcher le livre avant d'avoir eu le fin mot de l'histoire. Que s'est-il passé dans cette famille? La tension monte au fur et à mesure, laissant le lecteur dans l'attente fébrile de la suite. Quel est ce "drame" qui a tout fait basculer? Dicker nous donne des indices sans pour autant nous livrer son intrigue. Il maîtrise totalement son sujet. 
On entre, lecteur voyeur, dans les secrets de famille au même rythme que Marcus. Et quand les langues se délient, le lecteur se retrouve spectateur impuissant d'un malheur qui s'est déjà produit. Les certitudes de Marcus sont mises à mal, ses interprétations se confrontent à une réalité beaucoup plus dure que ce qu'il ne croyait. 
Un excellent roman d'un auteur qu'on aime de plus en plus. 

Extrait: "Les gens ne veulent plus réfléchir, ils veulent être guidés. Ils sont asservis du matin au soir, et quand ils rentrent chez eux, ils sont perdus: leur maître et patron, cette main bienfaitrice qui les nourrit, n'est plus là pour les battre et les conduire. Heureusement, il y a la télévision. L'homme l'allume, se prosterne  et lui remet son destin.

"Play" de Franck Parisot

"Play" de Frank Parisot.
Ed. Le Livre de Poche 2016. Pages 668.

Résumé: Un serial-killer sévit sur New York. Sur chaque scène de crime, la police retrouve une clé usb contenant un message qui leur est adressé. Le point commun entre les victimes : toutes aimaient exposer leur vie sur internet... Les inspecteurs Bridge, Alves et Morgans se mettent à la recherche de celui qu'ils nomment " le cyclope ", en raison de la caméra frontale qu'il utilise pour filmer le calvaire qu'il fait endurer à ses victimes avant de les mettre à mort. Mais le tueur les observe...

La 7 de la page 7: "Il ne connaissait d'elle que son prénom, inscrit sur le badge qu'elle portait au travail, mai il avait encore en mémoire les sourires charmants qu'elle offrait avec les cafés." 

"Play" nous prend par surprise. En effet, au départ, ce n'est pas une affaire gagnée. Le rythme est lent et on a beaucoup de mal à s'intéresser aux personnages et à l'histoire. Le chapitrage du tueur est pourtant assez intéressant et bien exploité. Mieux géré, il permet au lecteur de rester en connexion avec l'histoire. 
Là où le tueur semble complexe, les policiers sont trop prévisibles, trop clichés, partageant des dialogues bateau qui ne permettent aucune identification. Mais cela ne dure que quelques chapitres. Parisot semble trouver son rythme et ses personnages s'intègrent de plus en plus dans une intrigue qui interpelle.  Et soudain, l'histoire s'emballe et "Play" devient un page-turner efficacement redoutable. Et jusqu'à la fin, le roman va garder ce rythme impressionnant. Le projet est simple mais efficace: un tueur utilise notre image, ce qu'on en fait pour assouvir ses sombres besoins meurtriers. On se sent soi-même en danger, sans s'en rendre compte. 
Ce roman est violent. On assiste à de nombreuses scènes de torture, très explicites. On pourrait se demander si cette violence est nécessaire. Et la réponse est oui. Elle l'est afin de bien entrer dans l'esprit du tueur. 
Et c'est justement là que réside la plus grosse déception de "Play". Le mobile du tueur est très très faible. Très décevant. S'engloutir six cents pages pour une fin aussi facile est un peu dommage. Si cela n'enlève rien à l'efficacité du roman, cela reste quand même un gros point faible. Mais que cela ne gâche pas votre plaisir de lecture car "Play" reste un roman agréable à lire. 

Extrait: "Paustin s'était relevé d'un coup, manquant de trébucher sur une des pieds du bureau et perdant son sourire aussi vite qu'Alves avait perdu son calme. Il resta sur la défensive, sentant l'adrénaline parcourir son corps. Ses jambes tremblaient malgré lui... Les autres flics observaient la scène avec un sourire en coin. Alves avait calmé Paustin d'un seul regard assassin. Un uppercut oculaire."

"The Whites" de Richard Price.

"The Whites" de Richard Price.
Ed. Bloombury 2015. Page 333.

Résumé: Milieu des années quatre-vingt-dix. Le jeune Billy Graves est flic au sein d'une brigade anticriminalité de l'un des pires districts du Bronx. Il fait partie d'un groupe de policiers prometteurs, les Wild Geese, et une carrière brillante lui semble assurée. Jusqu'au jour où il tire accidentellement sur un gamin. L'affaire, fortement médiatisée, lui vaut d'être mis au placard quelque temps.
Aujourd'hui, Billy est devenu chef d'une équipe de nuit du NYPD. Son quotidien : sillonner les rues de New York, de Wall Street à Harlem, pour en assurer la sécurité, même s'il sait que certains criminels passeront toujours au travers des mailles du filet. Ces derniers, il les surnomme les « whites », ceux qui s'en sortent blancs comme neige. Chaque policier en a un qui l'obsède.
Puis vient un appel qui change tout : un meurtre a eu lieu à Penn Station. Et la victime n'est autre que le white d'un de ses anciens coéquipiers. Lorsqu'un autre white est assassiné, Billy commence à s'interroger : quelqu'un serait-il en train de régler ses comptes ? Et qui est cet homme qui, soudainement, paraît s'intéresser à sa femme et à ses enfants, au point de les suivre en filature ?

La 7 de la page 7: "As he stepped back to brush the ash off his sport jacket, his cell rang: Rollie the Wheel." 

Avec "The Whites", Richard Price nous offre un polar très sombre et très dur. On entre dans un monde de noirceur et on en redemande. On s'attache assez vite au personnage de Billy. Il nous plait car c'est un homme qui porte ses cicatrices avec humilité. Mais cela vaut pour tous les personnages de "The Whites". Ils sont blindés de blessures mais continuent leur vie, "normalement". Jusqu'au moment où l'équilibre se rompt. La tension monte au fur et à mesure et on ne peut qu'être témoins, impuissants, de la tragédie en préparation. 
On suit la vie de ces inspecteurs dont le quotidien est d'une dureté sans nom. Mais on sait aussi que la ligne a été franchie. On ne peut revenir en arrière. 
Price joue avec les limites de "bon" et de "méchant". Chacun maintient ses cartes près de sa poitrine, se dévoilant sans jamais avouer. La différence entre le bien et le mal devient de plus en plus ténue. 
Et c'est avec étonnement qu'on assiste au dénouement de ce polar bien ficelé. Price nous emmène là où on ne s'y attendait pas. Un très bon roman qui se laisse lire avec une facilité déconcertante. 

Extrait: "And no, my son isn't going to apologize to that little shit, and no, we're not going to pay for those glasses. But you know whu should? You and this whole goddamn school, because what happened yesterday is all your fault. You put on this stupid, boring show about the planets, all these poor kids has to come out and say "Hello I am Saturn". And you know, you know, one poor kid has to come out and say "Hello, I am Uranus". Jesus Christ, you're a shrink, do you know how humiliating that is?
 

"A Knight of the Seven Kingdoms" de George R.R. Martin

" A Knight of the Seven Kingdoms" de George R.R. Martin
Ed. Harper Voyager 2017. pages 355.

Résumé: Taking place nearly a century before the events of A Game of Thrones, A Knight of the Seven Kingdoms compiles the first three official prequel novellas to George R. R. Martin’s ongoing masterwork, A Song of Ice and Fire. These never-before-collected adventures recount an age when the Targaryen line still holds the Iron Throne, and the memory of the last dragon has not yet passed from living consciousness.
Before Tyrion Lannister and Podrick Payne, there was Dunk and Egg. A young, naïve but ultimately courageous hedge knight, Ser Duncan the Tall towers above his rivals—in stature if not experience. Tagging along is his diminutive squire, a boy called Egg—whose true name (hidden from all he and Dunk encounter) is Aegon Targaryen. Though more improbable heroes may not be found in all of Westeros, great destinies lay ahead for these two . . . as do powerful foes, royal intrigue, and outrageous exploits.

La 7 de la page 7: "I could ride him as well as you, he said, bold as you please."

En tant que grande fan du "Trône de Fer", il fallait bien que je retourne ronger mon frein à Westeros le temps que Martin se décide a, enfin, nous livrer son "Winds of Winter". Je me suis donc ruée sur "A Knight of the Seven Kingdoms". Un siècle avant les événements de "Game Of Thrones", nous voilà en compagnie de Dunk et Egg pour trois nouvelles dont ils sont les héros. 
Alors comme toujours, la plume de Martin est particulièrement efficace mais il faut bien avouer que ce livre a été lu plus par dépit que par réelle envie. Mais ne me faites pas dire ce que je n'ai pas écrit, "A Knight of the Seven Kingdoms" est un très bon roman de fantasy. Mais ce n'est pas "Game of Thrones" et c'est là que réside la seule critique que l'on peut réellement faire à ce roman.  On en veut plus. Mais il reste très intéressant de retrouver un endroit connu. Un petit plaisir non dissimulé à savoir que dans un siècle, un joyeux remue-ménage (et méninges) va avoir lieu. 
Personnellement, je me suis plus attachée à Egg qu'à Dunk. Targaryen un jour... Un bon moment de lecture en attendant la suite des aventures de Westeros. 

Extrait: "A hedge knight  must hold tight to his pride. Without it, he was no more than a swellsword. I must earn my place in that company. If I fight well, some lord may take me into his household. I will ride in noble company then, and eat fresh meat every night in a castle hall, and raise my own pavillion at tourneys. But first I must do well. Reluctantlly, he turned his back on the tourney grounds and led his horses into the trees." 

"Miss Peregrine et les enfants particuliers: La Bibliothèque des âmes" de Ransom Riggs

"Miss Peregrine et les enfants particuliers: La Bibliothèque des âmes" de Ransom Riggs.
Ed. Bayard Jeunesse 2016. Pages 582.
Titre Original: "Library of Souls"

Résumé: Dans le Londres d'aujourd'hui, Jacob Portman et Emma Bloom se lancent à la recherche de leurs amis enlevés par les Estres. Ils retrouvent leur trace grâce au flair aiguisé d'Addison, l'illustre chien particulier doué de parole. Bientôt, au bord de la Tamise, ils font la connaissance de Sharon, un géant bourru qui, moyennant une pièce d'or, propose de leur faire traverser le fleuve. Ils rejoignent ainsi l'Arpent du Diable, une boucle temporelle à la réputation effroyable où séjournent les particuliers les moins recommandables, où pirates et malfaiteurs commettent leurs forfaits en toute impunité.
Jacob et Emma ne se sont pas trompés : l'ennemi a bien établi son QG dans l'Arpent, derrière les murs d'une forteresse imprenable...

La 7 de la page 7: "Soudain, le creux a pivoté pour me faire face."

Le premier tome m'avait totalement hypnotisée et le deuxième un peu déçue. J'espérais donc un feu d'artifice pour le tome de fin, pour la conclusion. Et j'ai continué dans ma déception. Je me suis demandée pendant tout le roman où Riggs voulait m'emmener. Et je me suis retrouvée exactement là où je n'avais aucune envie d'être. Dans une fin prévisible et bâclée. Et c'est vraiment dommage. J'en attendais beaucoup, peut-être trop, sans doute. Mais je ne me suis pas retrouvée avec la même excitation que celle du premier tome. Les enfants particuliers sont partis, sans moi, à la recherche de leurs amis et de Miss Peregrine. Riggs m'a donné l'impression de ne pas réellement se décider de la manière dont il voulait terminer sa saga. Et du coup, on se retrouve avec une fin mièvre au possible. D'accord c'est un roman jeunesse mais une fin aussi guimauve a été la goutte d'eau. Une très grosse déception. 

Extrait:  "Avant de nous embarquer, Sharon a ôté six rats frétillants de sous sa cape d'un geste théâtral. Apparemment, un voyage sans vermine était un luxe réservé aux particuliers importants, et il nous rangeait dans cette catégorie."

"Le crime du comte Neville" de Amélie Nothomb

"Le crime du comte Neville" de Amélie Nothomb
Ed. Le Livre de Poche 2017. Pages 149.

Résumé: « Ce qui est monstrueux n'est pas nécessairement indigne. »

La 7 de la page 7: "Sans cette prédiction de dernière minute, Neville aurait réservé à cet instant un trésor d'effusion." 

Avec "Le crime du comte Neville", Amélie Nothomb nous offre une critique acérée du milieu nobiliaire dont elle est issue. Les codes y sont décortiqués et appliqués à chacun des personnages. Si on a une référence, lointaine, à Oscar Wilde, c'est bien un roman de Nothomb que le lecteur tient en main. Le ton est souvent léger alors que les propos sont très loin d'être drôles. La famille Neville est une de ces familles dont la richesse n'est plus qu'apparence. Désargentée, la famille vivote comme elle peut. Le père, le comte de Neville se voit faire une prémonition. Il tente alors tout ce qu'il est possible pour contrecarrer cette prophétie. Il oublie que ce n'est pas nous qui conduisons notre destin. Que ce qui est écrit est irrémédiable. Avec ce roman, Nothomb allie le drôle et le pathétique avec souplesse et dextérité. Un seul bémol, heureusement que le roman est court car il n'aurait probablement pas tenu sur la longueur. 

Extrait: "Ce n'était pas un hasard si la garden-party du pluvier constituait le plus important événement mondain des Ardennes belges depuis si longtemps: pendant un dimanche après-midi, il devenait possible de croire que l'on appartenait à un milieu chimérique qui méritait le nom de noblesse que le vers sublime "Ô Saison, Ô château" avait un sens que la vie consistait en une danse pleine d'élégance avec de belles dames mystérieuses dont les pieds menus effleuraient à peine l'herbe des jardins." 

"Carnaval" de Ray Celestin

"Carnaval" de Ray Celestin
Ed. 10/18 2016. Pages 523.
Titre Original: "The Axeman's Jazz"

Résumé: Au coeur du Sud profond, La Nouvelle-Orléans, construite sur des marécages en dessous du niveau de la mer, a toujours été aux prises avec tornades, inondations et épidémies de toutes sortes. La nature du sol en fait une cité qui s'affaisse, où les morts ne peuvent être enterrés. Alligators, serpents, araignées hantent ses marais. Nombre de menaces ont toujours plané au-dessus de la ville. Et pourtant...
Lorsqu'en 1919 un tueur en série s'attaque à ses habitants en laissant sur les lieux de ses crimes des cartes de tarot, la panique gagne peu à peu. On évoque le vaudou. Les victimes étant siciliennes, les rivalités ethniques sont exacerbées. Un policier, Michael Talbot, un journaliste, John Riley, une jeune secrétaire de l'agence Pinkerton, Ida, et un ancien policier tout juste sorti de prison, Luca D'Andrea, vont tenter de résoudre l'affaire. Mais eux aussi ont leurs secrets... Alors qu'un ouragan s'approche de la ville, le tueur, toujours aussi insaisissable, continue à sévir. Le chaos est proche.

La 7 de la page 7: "La masse des fêtards prit le chemin de la maison où s'était tenue la veillée." 

Le lecteur entre dans "Carnaval" suivi de notes de jazz, d'odeurs de cuisine créole mais aussi de violences suivies de ce sentiment de désastre imminent. Et il n'est pas déçu. La tension monte au fur et à mesure, bien dosée afin de ne pas étouffer le lecteur. Les meurtre s'enchaînent mais pourtant ce ne sont pas eux qui attirent le plus l'attention du lecteur. Parce que "Carnaval", au-delà du thriller, est un roman d'amour à la Louisiane. Le lecteur traîne des pieds dans les quartiers sombres, s'arrête deux minutes pour écouter aux portes, dodeline de la tête au son du jazz s'échappant des portes de bar entrouvertes. Si l'ambiance est particulièrement réussie, il faut mettre en évidence le talent de Celestin à nous offrir des personnages riches et intéressants. Ils sont bien construits et nous donnent envie de les connaître, de les laisser s'épancher sur notre épaule afin d'écouter leurs malheurs. Le lecteur est bercé dans une ambiance parfois malsaine, il est mal à l'aise car ces quartiers sont devenus les siens. La peur rôde et s'empare du lecteur qui ne demandait rien de plus que de continuer sa balade dans la Nouvelle Orléans. Un voyage dans l'espace mais surtout un voyage dans le temps où il est confronté aux inégalités raciales qui sont toujours, malheureusement, d'actualité dans une Amérique qui pose plus de questions qu'elle n'offre de réponses. 
Musique, magie, sorcellerie, violence, menace... Le lecteur en a pour son argent. Un excellent roman. 

Extrait: "Je vais te dire comment je vois le monde, fiston. Le tueur à la hache, c'est un mystère. Un truc avec une pièce qui manque et, que personne arrive à expliquer. Et dans nos têtes, on aime pas les pièces qui manquent. Alors, quand on voit ça, on remplace la pièce manquante par quelque chose. Ce quelque chose, c'est ce qu'on a dans un recoin de notre esprit et qui nous fait peur." 

"God's Pocket" de Pete Dexter

"God's Pocket" de Pete Dexter.
Ed. Points 2003. Pages 380.

Résumé: Philadelphie, quartier de God's Pocket. Leon Hubbard meurt sur un chantier. Un peu trop vantard, la lame de rasoir toujours à portée de main, il a provoqué une fois de trop un de ses collègues. Version officielle : accident du travail. Personne n'y croit. L'affaire prend de l'ampleur et la mafia s'en mêle. Richard Shellburn, journaliste de faits divers, décide de mener l'enquête.

La 7 de la page 7: "La fête avait lieu chez un juge du tribunal de la route en partance pour Holmesburg Prison, condamné à une peine de un à trois ans pour corruption et détournement de fonds." 

"God's Pocket" est un roman noir dans la lignée pure de la tradition américaine. On sombre dans la violence quotidienne de ces personnages fondamentalement humains. Ils ont, chacun, leurs défauts, leurs qualités, leurs failles. Dexter s'engouffre dans leurs blessures sans jamais les juger, sans jamais permettre à son lecteur de se détacher d'eux. L'intrigue est tellement bien construite que le lecteur aime à flâner dans cette Philadelphie sombre et triste. Et pourtant si vivante. Parfois, l'intrigue s'efface pour laisser place aux personnages charismatiques et souvent pathétiques mais toujours touchants, respirant la vie. Vous ne trouverez pas de "gentil" ou de "méchant" dans ce roman. Dexter nous peint un tableau magnifique de la nature humaine dans ce qu'elle a de pire, de meilleur et surtout de banal. 
L'écriture est magistralement maîtrisée et le style est posé, laissant le lecteur aller à son rythme, sans le forcer à quoi que ce soit. "God's Pocket" est un excellent roman qui devrait se trouver dans toutes les bibliothèques. 

Extrait: "La veille du sermon, Shellburn avait publié un article où il comparait l'arrivée du nouveau journalisme à celle des Charlie Piscoli dans le crime organisé, se demandant s'il existait encore une échelle de valeurs. En parallèle avec l'histoire du journalisme, il dressait le portrait du crime organisé de Philadelphie jusqu'à l'assassinat d'Angelo Bruno, cette décharge de chevrotine qui avait réduit à néant tout l'ordre, la dignité et la discipline qui régissait jusqu'alors le crime organisé."
 

dimanche 20 août 2017

"Les corps de verre" de Erik Axl Sund

"Les corps de verre" de Erik Axl Sund
Ed. Actes Sud 2015.Pages 422.
Titre Original: "Glaskroppar"

Résumé: Un peu partout en Suède, des jeunes mettent fin à leur vie. Une vague de suicides décidément étrange : chaque fois, les procédés choisis sont déroutants, les mises en scène horriblement méticuleuses… On charge l’inspecteur Jens Hurtig d’enquêter.
Bientôt la police découvre qu’au moment de passer à l’acte les victimes écoutaient une cassette, une mixtape unique créée pour l’occasion par un obscur musicien underground.

La 7 de la page 7: "Hurtig rit." 

Ma dernière rencontre avec les auteurs des "Corps de Verre" s'était assez mal terminée. J'avais terminé le deuxième tome de la saga Victoria Bergman avec la ferme intention de ne pas lire le troisième. Mais ici, il faut bien avouer que le quatrième de couverture m'a assez intriguée pour que je retourne vers eux. Et je ne le regrette absolument pas. "Les corps de verre" est un livre difficilement classable. On le mettrait avec aisance dans la catégorie thriller et pourtant, ce n'en est pas vraiment un. Certes, les codes sont bien ceux du thriller mais l'ambiance, en elle-même, est totalement maîtrisée. Et quelle ambiance... La noirceur de ce roman est exceptionnellement réussie. On entre dans une mélancolie noire. Si il y a beaucoup de personnages, on s'habitue vite à eux et on parvient à comprendre les tenants et les aboutissants sans aucun problème. Tout prend sens au moment voulu. Au fur et à mesure des pages, on se laisse envahir par la noirceur de ce texte quasi envoûtant. Les pages défilent à une vitesse déconcertante avec fluidité. Par contre, la fin est bâclée. Elle est bien trop alambiquée pour qu'on puisse vraiment y croire. Et cela est bien dommage. Mais au-delà de cette fin, l'ambiance en elle-même vaut bien la peine de s'attarder pour un temps dans ce roman dont la noirceur est presque le thème principal. 

Extrait: "Avec l'héroïne, ça a été le coup de foudre immédiat. Elle l'a séduit et est devenue sa camarade de jeu. Désormais, c'est un monstre qui le dévore de l'intérieur. Il va aux toilettes chercher une bande de gaze qu'il serre fort autour de son bras avant d'aller s'asseoir dans le canapé du séjour. La plénitude l'envahit. mais il sait que la sensation est fugace. Putain de bordel de merde. Quand toutes les portes sont closes et qu'on a aucune clé, alors on a le droit d'abandonner. A quoi bon proposer à l'adversaire de jouer la revanche, si la disposition de l'échiquier indique clairement que la partie est perdue d'avance?" 

"Joyland" de Stephen king

"Joyland" de Stephen King
Ed. Le Livre de Poche 2016. Pages 400.

Résumé: Après une rupture sentimentale, Devin Jones, 21 ans, débarque l’été 1973 à Joyland, petit parc d’attraction sur le littoral de la Caroline du Nord. Il est embauché avec d’autres étudiants pour compléter l’équipe de forains, à la fois étrange et joyeuse. Sa rencontre avec un petit garçon doué de voyance, atteint d’une maladie grave, et surtout de sa mère, va changer la vie de Devin. Obsédé par le mystère du train fantôme soi-disant hanté par le spectre d’une femme égorgée 4 ans auparavant, le jeune homme se lance dans l’enquête. Un nouveau meurtre est-il possible ? Parviendra-t-il à l’éviter ? Une chose est sûre, l’aventure le changera à jamais...

La 7 de la page 7: "Sauf que j'avais prévu de passer au moins une partie de cette semaine-là avec Wendy." 

Amateurs de l'horreur, de l'épouvante, du sanglant et du frisson, ce livre est... Non ce livre n'est absolument pas fait pour vous. Si vous vous attendez à un King qui vous en met plein la vue avec de l'hémoglobine dégoulinante et des monstres cachés dans des placards, vous risquez d'être copieusement déçu. Si il y a bien une base de surnaturel dans ce roman, King nous offre ici un récit de vie comme il sait tellement bien le faire. Devin ne va pas être confronté à des bêtes immondes sorties d'un monde innommable, non, Devin va être confronté au démon le plus coriace qu'il est jamais donné de rencontrer; la vie elle-même. Je sais que cela peut faire pompeux comme présentation mais c'est pourtant le cas. "Joyland" est l'histoire d'un été où tout s'est mal passé et où pourtant tout ce qui devait se passer est arrivé. Empreint d'une mélancolie efficace, ce roman se laisse lire comme on boit un bon vin. Tempéré, il se laisse respirer pour fondre sous nos papilles de lecteurs. Devin est en quête mais il ne le sait pas. Devin construit l'homme qu'il deviendra sans s'en rendre compte. Bien sûr il y a bien une histoire de fantôme et de tueur en série, King ne serait plus King sans cela. Mais ce récit là n'est que prétexte. King nous emmène à Joyland. On y sent les odeurs, le vent nous ébouriffe les cheveux et jamais on ne voudrait partir. Un roman qu'on ne peut lâcher, avides inexorablement de connaître la fin de la quête de Devin. Un King en douceur et en subtilité. Un King qui a mûrit et qui nous donne le meilleur de sa récolte. 

Extrait: "L'écriteau en coquillages avait disparu du porche de la grande maison grise de Heaven's Bay. Mrs Shoplaw avait fait le plein de pensionnaires pour l'été et j'ai béni intérieurement Lane hardy de m'avoir fait penser à réserver un logement à l'avance. La troupe de saisonniers de Joyland était arrivée et il ne restait pas une chambre libre en ville." 
 

"Last Call" de Alex Barclay

"Last Call" de Alex Barclay
Ed. Michel Lafon 2007. Pages 302.
Titre Original: "The Caller"

Résumé: Il entre chez ses victimes sans effraction. À croire qu'elles lui ouvrent la porte avec un sourire et lui offrent un café avant de finir le crâne défoncé, le visage mutilé, un téléphone à la main. À qui font-elles suffisamment confiance pour oublier les verrous, les digicodes et les caméras de sécurité, sinon à un maître des faux-semblants ? L'inspecteur Joe Lucchesi, du département de la police de New York, est chargé de diriger l'enquête. Mais cette affaire ravive chez lui des blessures encore béantes : une fois, déjà, il a permis à un monstre de s'introduire dans son intimité, de meurtrir sa femme et son fils. Face au Visiteur, comme la presse surnomme le tueur qui terrifie les New-Yorkais, Joe Lucchesi n'a pas le droit de baisser la garde.

La 7 de la page 7: "Du tofu." 

Le premier bon point de "Last Call" c'est qu'il ne fait pas partie de ces thrillers où il faut quatre-vingts pages d'introduction pour que l'action commence. Ici, on ne se pose pas de question, on entre directement dans le vif du sujet. 
Le style est assez plaisant et il est agréable de se laisser porter par ce thriller accessible et sans fioriture. Bien sûr, ce serait mentir que de dire que "Last Call" bouleverse les règles du thriller et nous offre une remise en question littéraire monumentale. Non... "Last Call" est un thriller sans prétention qui nous sert une intrigue efficace sans pour autant être totalement originale. 
Les personnages sont bien en place, l'intrigue est agréable et le lecteur se laisse porter, tranquillement. Que demander de plus par une journée pluvieuse? 

Extrait: "La pièce, de deux mètres cinquante sur trois, était dépourvue de fenêtres. De faibles rais de lumières s'allongeaient entre les barreaux qui coupaient le mur, du sol au plafond. La petite télévision montée sur une étagère noire à l'extérieur grésillait à plein volume. Sur un plateau, près de la porte, gisaient les reliefs racornis d'un repas carbonisé."

"13 Reasons Why" de Jay Asher

"13 Reasons Why" de Jay Asher
Ed. Albin Michel 2017. Pages 287.

Résumé: 
Clay Jensen reçoit sept cassettes enregistrées par Hannah Baker avant qu'elle ne se suicide. Elle y parle de treize personnes qui ont, de près ou de loin, influé sur son geste. Et Clay en fait partie. D'abord effrayé, Clay écoute la jeune fille en se promenant au son de sa voix dans la ville endormie. Puis il découvre une Hannah inattendue qui lui dit à l'oreille que la vie est dans les détails. Une phrase, un sourire, une méchanceté ou un baiser et tout peut basculer...

La 7 de la page 7: "Hannah Baker s'est suicidée." 

On ne va pas se mentir, oui j'avais regardé la série de Netflix avant de lire le roman. Je sais. C'est mal. Donc oui, je connaissais déjà l'histoire et je savais ce qui avait poussé Hannah à commettre l'irréparable. Et oui, j'avais beaucoup aimé la série même si je regrettais la lenteur accablante de Clay à écouter ces cassettes. Déjà premier point positif du livre: il les écoute en une seule et unique nuit. Comportement bien plus logique que celui du Clay télévisuel. Et c'est la seule réelle comparaison qu'on puisse faire entre le livre et la série. On est en présence de deux oeuvres différentes qui n'ont pas la même destination.  Si les raisons du suicide d'Hannah restent les mêmes, le récit est différemment délivré. Dans ce roman, Hannah peut sembler être beaucoup trop fragile pour ce monde. Et parfois, on se dit qu'elle devrait peut-être un peu se détendre. Et on réagit comme ceux qui n'ont rien fait pour elle en pensant que parfois, elle exagère quand même un peu et que le monde ne tourne pas uniquement autour d'elle. Or autour de quoi d'autre le monde tourne-t-il quand on a 17 ans? Qui est le vrai "héro" de ce roman? Hannah ou Clay? Si on assiste à la descente aux enfers de Hannah, on est également témoin de la détresse de Clay, impuissant devant la tragédie qui s'est déjà produite. Témoin involontaire des "détails" qui mèneront Hannah au suicide, nous aussi, nous sommes spectateurs d'un désastre qui s'est déjà produit. On en vient à s'impliquer dans l'histoire d'Hannah, à lui en vouloir parfois de ne pas avoir eu assez confiance en certains et trop en d'autres. Mais peut-on pourtant crier au génie de l'auteur? Peut-on réellement dire que ce roman est particulièrement réussi. Oui et non. D'abord non. Parce qu'il faut bien avouer que l'auteur n'a pas inventé grand chose. Le style est plutôt basique et la lecture parfois monotone. Et pourtant oui. Oui parce qu'il aborde un sujet particulièrement délicat et que ce sujet là mérite bien un roman coup de poing: Elle est morte. Vous ne pourrez rien y changer. Maintenant, lisez son histoire. Alors ce n'est pas le roman du siècle mais si il peut donner une impulsion par rapport à un sujet de société bien réel, je ne vois pas 13 raisons pourquoi ne pas le faire... 

Extrait: "Salut tout le monde. Ici Hannah Baker. En live stéréo. Je n'en crois pas mes oreilles. Il n'y aura pas d'autres dates. Pas de rappel. Et cette fois, aucune intervention du public. Non c'est impossible. Hannah Baker s'est suicidée. J'espère que vous êtes prêts, parce que je vais vous raconter l'histoire de ma vie. Ou plus exactement la raison pour laquelle elle s'est arrêtée. Et si vous êtes en train d'écouter les cassettes, c'est que vous êtes l'une des raisons." 

"Le secret de Crickley Hall" de James Herbert

"Le secret de Crickley Hall" de James Herbert
Ed. Milady 2011. Pages 764.
Titre Original: "The Secret of Crickley Hall"

Résumé: Crickley Hall : une vieille demeure comme on n en trouve que dans les régions reculées de l Angleterre. Vaste et sinistre, elle a même l air un peu menaçant.
Lorsque Gabe et Eve Caleigh viennent s y installer avec leurs deux petites filles, ils espèrent y trouver la paix, et tourner la page sur le terrible malheur qui a frappé leur famille.
Mais quelque chose ne va pas... Bientôt des bruits inexplicables les arrachent au sommeil. Les enfants sont les seuls témoins d étranges apparitions. Et, chaque matin, la porte de la cave est entrouverte alors qu on l avait fermée la veille.
Cette maison est le dernier endroit que les Caleigh auraient dû choisir. L'horreur qui les y attend dépasse tout ce qu ils pouvaient imaginer.
Oserez-vous affronter le terrifiant secret de Crickley Hall ?

La 7 de la page 7: "Gabe gratifia le chien, désormais alerte, d'un léger signe du menton vers le haut, comme un hochement d'approbation inversé." 

Si "Le secret de Crickley Hall" est désigné comme un thriller, il a plutôt sa place dans la catégorie horreur/épouvante. Tout y est: les codes, l'ambiance, les personnages, la maison... 
Malheureusement, ce roman est lent. Mais vraiment lent. L'intrigue met du temps à réellement s'installer et une fois que le récit s'emballe, on est presque déjà passé à autre chose. La tension est montée, certes, mais le temps qu'elle nous atteigne, on ne peut plus être surpris par ce récit. 
Et au-delà de cette lenteur accablante, il y a un autre problème beaucoup plus ennuyeux. Cette histoire tombe dans les clichés pratiquement dès la première page. Une famille qui vient de subir un drame déménage dans une maison inquiétante où leur entourage est mystérieux. Comme on dit en anglais: "Been There. Done That." 
On a aucun mal à voir où Herbert tente de nous emmener. On y a déjà été. Plusieurs fois. Et il n'y a pas ce petit quelque chose en plus qui aurait pu faire une différence. Une vraie déception. 

Extrait: "Cette nuit-là, ils dormirent tous ensemble, les filles blotties entre Gabe et Eve. A la différence que, cette fois, Chester refusait de quitter la cuisine où Gabe avait été contraint de le faire rentrer à cause de la pluie. Chester avait opposé une farouche résistance lorsque Gabe avait tiré sur son collier, répondant aux tentatives de son maître pour l'amadouer par des gémissements, la queue basse. En dépit des supplications de Gabe, le bâtard était resté collé à la porte qui donnait sur le jardin; là, il s'était recroquevillé, les yeux emplis d'une terreur qu'il était seul à comprendre." 

"La mémoire du sang" de Greg Iles

"La mémoire du sang" de Greg Iles
Ed. France Loisirs 2006. Pages 699.
Titre original: "Blood Memory"

Résumé: Cat Ferry est dentiste, spécialisée en médecine légale. Maniaco-dépressive, en proie à d'affreux cauchemars, elle noie ses démons dans l'alcool. Appelée à La Nouvelle-Orléans auprès du corps couvert de morsures de la énième victime d'un tueur en série, Cat s'effondre, prise d'une attaque de panique. Elle est immédiatement écartée de l'enquête. De retour dans la propriété de son enfance, au cœur du Mississippi, elle répand par mégarde dans sa chambre de petite fille l'un de ses produits chimiques, qui fait apparaître d'anciennes traces de sang. Il y a vingt ans, son père a été mystérieusement assassiné. Cat, frappée de mutisme à la suite du drame, a tout oublié. Mais, tandis qu'elle recompose le puzzle de son enfance, elle y découvre un lien avec la série de meurtres de La Nouvelle-Orléans... Une anti-héroïne perdue et fascinante, une intrigue implacable, un suspense incroyablement rythmé : du pur concentré de thriller, signé par un grand nom du genre.

La 7 de la page 7: "Anatomie, hématologie, histologie, biochimie, tout ce qu'une enquête peut requérir." 

En commençant "La Mémoire du sang" j'ai eu un sentiment mitigé. Le texte est particulièrement froid et le principal personnage est dans la même mouvance. Le côté "femme forte et tourmentée" est présenté de telle manière que cela m'a directement dérangée. Une certaine antipathie pour le personnage de Cat s'est alors installée. Et à partir de là, j'ai eu énormément de mal à m'intégrer dans cette histoire. Et pourtant...Même si les débuts sont réellement chaotiques en ce qui me concerne, le personnage de Malik va changer la donne. Grâce à lui, on commence à entrevoir un peu d'épaisseur dans cette intrigue. Iles commence alors à aborder des sujets plus durs et donne à Cat une ampleur plus humaine. L'intrigue décolle et le doute s'installe. Il est dommage de devoir attendre si longtemps pour s'intéresser à cette histoire mais, au final, cela en vaut la peine. On en vient à douter de tous et de tout. Même de Cat. On entre dans le psychologique et il devient quasi impossible de s'en défaire. Un avis qui n'est donc pas si mitigé que cela. Une bonne histoire un peu difficile à appréhender au départ mais qui nous donne un agréable moment de lecture. 

Extrait: "On quitte un endroit quand on est jeune, sans savoir pourquoi, seulement parce qu'on doit s'en échapper." 
 

"L'Eventreur de Pékin" de Peter May

"L'Eventreur de Pékin" de Peter May
Ed. France Loisirs 2006. Pages 474.
Titre Original: "Chinese Whispers"

Résumé: " Qian ouvrit le tiroir supérieur de son bureau et en sortit une chemise A4 en plastique.
A l'intérieur était glissée une feuille dépliée. Il la remit à Li, puis se retira près de la fenêtre pour respirer un peu d'air frais. Li reconnut les caractères peu soignés, à l'encre rouge : Je vous envoie la moitié du rein que j'ai pris sur une femme. Conservé pour vous. L'autre morceau, je l'ai frit et mangé. " L'inspecteur Li Yan sait qu'il a en face de lui un redoutable adversaire. Celui qui se surnomme " l'éventreur de Pékin " a déjà exécuté plusieurs victimes chinoises, les laissant affreusement mutilées : la gorge coupée, le visage tailladé, les organes vitaux extraits et placés dans ce qui s'avère être une mise en scène extrêmement réfléchie.
Tout va se précipiter lorsqu'une scientifique américaine se livrant à des expériences sur un nouveau procédé de détection du mensonge est assassinée à son tour. Li découvre alors que le meurtrier lui en veut personnellement et cherche à le détruire. La situation devient vite infernale aussi bien pour lui que pour sa compagne, le docteur Margaret Campbell.

La 7 de la page 7: "Elle n'avait pas de véritables revenus personnels en dehors de l'argent que lui rapportaient les quelques conférences données à l'université de la Sécurité publique." 

En ouvrant "L'Eventreur de Pékin", je ne savais pas trop à quoi m'attendre et au final, heureusement que je ne m'attendais pas trop. En gros, c'est l'histoire de Jack L'Eventreur mais en Chine. Pas de surprise donc si on connaît l'histoire du tueur en série anglais. Pas d'enthousiasme non plus. Le récit est truffé de références et on se demande comment les inspecteurs peuvent encore être surpris de leur enquête. Le lecteur se doute de ce qui va suivre et soupire parfois de la lenteur de ces inspecteurs qui restent en première tout le long du roman. On se doute d'où May veut nous emmener et c'est bien dommage. Ce livre est beaucoup trop prévisible pour qu'on y prenne vraiment plaisir. Ce qui "sauve" partiellement ce roman est sans doute l'immersion dans la culture chinoise. Mais c'est vraiment pour mettre en avant un point positif du roman. Pas d'explosion. Pas de rebondissement. Une écriture un peu froide et une fin qui laisse vraiment à désirer. Une grosse déception. 

Extrait: "Détectant quelque chose dans sa voix, elle lui lança un rapide coup d’œil, mais ne dit rien. Elle savait que s'il voulait parler, il le ferait. Elle cassa un œuf sur la crêpe, l'étala, et le saupoudra de graines avant de badigeonner le tout de sauces épicées appétissantes. Elle avait les doigts rougis et irrités par le froid." 

"Antéchrista" de Amélie Nothomb

"Antéchrista" de Amélie Nothomb.
Ed. Le Livre de Poche 2016. Pages 160.

Résumé: Avoir pour amie la fille la plus admirée de la fac, belle, séduisante, brillante, enjouée, audacieuse ? Lorsque Christa se tourne vers elle, la timide et solitaire Blanche n'en revient pas de ce bonheur presque écrasant.
Elle n'hésite pas à tout lui donner, et elle commence par l'installer chez elle pour lui épargner de longs trajets en train. Blanche va très vite comprendre dans quel piège redoutable elle est tombée. Car sa nouvelle amie se révèle une inquiétante manipulatrice qui a besoin de s'affirmer en torturant une victime. Au point que Blanche sera amenée à choisir : se laisser anéantir, ou se défendre. 

La 7 de la page 7: "Le lendemain, au prix d'un courage sans précédent, j'en parlais à Christa: si tu veux,  les lundis soir, tu pourrais loger chez moi." 

Comme quoi, tout arrive: j'ai vraiment aimé "Antéchrista" de Amélie Nothomb. N'étant pas très fan de l'auteure, j'ai toujours eu du mal à m'impliquer dans ses romans. C'est donc avec scepticisme que j'ai ouvert "Antéchrista". Mais c'est avec le sourire que je l'ai fermé. Parce que, pour une fois, oui, j'ai apprécié ma lecture. La relation malsaine qui se développe entre Christa et Blanche est correctement maîtrisée. La mesure est présente dans le texte de l'auteur, qui, pour une fois, n'en fait pas des caisses. Christa est une sale peste et il faut impérativement que Blanche s'en débarrasse. Facile. Efficace. Que demander de plus? L'écriture est fluide et agréable et le texte assez court. Ce qui permet de le lire d'une seule traite. Un bon moment de lecture. 

Extrait: "Le premier jour, je la vis sourire. Aussitôt, je voulus la connaître. Je savais bien que je ne la connaîtrais pas. Aller vers elle, je n'en étais pas capable. J'attendais toujours que les autres m'abordent; personne ne venant jamais. C'était ça l'université: croire que l'on allait s'ouvrir sur l'univers et ne rencontrer personne."  

"Stupeur et tremblements" de Amélie Nothomb

"Stupeur et Tremblements" de Amélie Nothomb.
Ed. Le Livre de Poche 2016. Pages 186.

Résumé:Au début des années 90, la narratrice est embauchée par Yumimoto, une puissante firme japonaise. Elle va découvrir à ses dépens l'implacable rigueur de l'autorité d'entreprise, en même temps que les codes de conduite, incompréhensibles au profane, qui gouvernent la vie, sociale au pays du Soleil levant. D'erreurs en maladresses et en échecs, commence alors pour elle, comme dans un mauvais rêve, la descente inexorable dans les degrés de la hiérarchie, jusqu'au rang de surveillante des toilettes, celui de l'humiliation dernière.

La 7 de la page 7: "Mademoiselle Mori mesurait au moins un mètre quatre-vingts, taille que peu d'hommes japonais atteignent." 

Je suis Belge et pourtant, je dois bien avouer que les récits d'Amélie Nothomb, auteure majeure de mon pays ont le don de me plomber l'ambiance de mon week-end. Mais, dans une volonté de comprendre le "phénomène Nothomb" qui veut qu'on crie au génie à chaque fois qu'elle sort un nouveau roman. Donc me voilà, en compagnie de "Stupeur et Tremblements". 
Et je dois bien avouer que j'ai pas mal apprécié la lecture. Le style est fluide et assez agréable. On s'immerge dans cette entreprise japonaise en se demandant quand même quel est le problème exact de ce peuple, ce qui n'est pas, je pense, le but. Si le ton est humoristique, le récit est tout de même rempli de sadisme et d'humiliations assez volontaires. On se sent mal à l'aise en compagnie de ces personnages, tellement différents de notre culture et qu'il est fort difficile d'apprécier. Les méprisés du roman deviennent les héros du lecteur tandis que les bourreaux se transforment en monstres inqualifiables. Or, je ne pense vraiment pas que cela soit le but du roman. Peut-être est-il plus question de différences culturelles. Le plaisir de lecture n'est pas forcément constant mais on peut commencer à entrevoir les raisons du succès de Nothomb. Le livre est assez bon. Mais je ne suis toujours pas convaincue. 

Extrait:" J'eus envie de demander où était mon erreur, mais il était clair que mon chef ne tolérait pas les questions, comme l'avait prouvé sa réaction à mon investigation au sujet du destinataire. Il fallait donc que je trouve par moi-même quel langage tenir au mystérieux Adam Johnson." 
 

"L'Ours est un écrivain comme les autres" de William Kotzwinkle

"L'ours est un écrivain comme les autres" de William Kotzwinkle
Ed. 10/18 2016. Pages 286.
Titre Original: "The Bear went over the Mountain"

Résumé: Il était une fois un ours qui voulait devenir un homme… et qui devint écrivain. Ayant découvert un manuscrit caché sous un arbre au fin fond de la forêt du Maine, un plantigrade comprend qu’il a sous la patte le sésame susceptible de lui ouvrir les portes du monde humain – et de ses supermarchés aux linéaires débordants de sucreries… Le livre sous le bras, il s’en va à New York, où les éditeurs vont se battre pour publier l’œuvre de cet écrivain si singulier – certes bourru et imprévisible, mais tellement charismatique ! Devenu la coqueluche du monde des lettres sous le nom de Dan Flakes, l’ours caracole bientôt en tête de liste des meilleures ventes…
William Kotzwinkle est l’un des écrivains américains les plus comiques : il s’en donne à cœur joie dans cette parabole animalière hilarante, irrésistible satire des milieux littéraires et médiatiques.

La 7 de la page 7: "Il tâcha de ne pas se départir de son savoir-vivre alors qu'il bouillonnait secrètement de joie."  

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'en ouvrant "L'ours est un écrivain comme les autres", on ouvre une petite pépite de littérature. Ce roman est un ovni dans lequel on entre directement dans le vif du sujet. Un ours vole un manuscrit. En voilà une idée saugrenue. Et pourtant diablement efficace. Il y a tellement de degrés de lecture dans ce roman qu'il est difficile de les compter. L'ours est l'homme brut, l'homme de base jugé par les  élites intellectuelles. Celui qui ne comprend rien. Et pourtant tout le monde n'a qu'un souhait: lui plaire. Paradoxe de notre société où tout n'est qu'apparences et prétentions, l'ours se joue de tous et de toutes, tout en restant toujours un ours. Ce roman est drôlissime et pourtant tellement virulent. "L'ours est un écrivain comme les autres" est une critique viscérale de notre société et du monde de l'édition, voir le monde culturel dans sa grande généralité. Chacun en prend magistralement pour son grade. Tout le monde l'adore, personne ne le connaît. On crie au génie alors qu'il n'a strictement rien fait, mis à part, peut-être, être un ours. On recherche du sens dans tout et n'importe quoi. L'art est l'excuse la plus utilisée afin de faire n'importe quoi. Et on en redemande. Toujours plus. L'ours, c'est l'anticonformisme qui s'ignore. 
A force de vouloir paraître intelligents et spirituels, les personnages tombent dans le piège de Kotzwinkle, ils touchent le ridicule et s'y prélassent avec joie. 
L'auteur et son ours nous offrent un roman intelligent, acide, drôle et diablement réussi. Un pur bijou. 

Extrait: "Retournant d'un pas traînant dans le salon, il se rassit devant le dessin animé. Le Coyote, à présent, se faisait écraser par un rouleau compresseur, son cou s'allongeant tandis qu'il cherchait à s'échapper. L'ours applaudit des deux pattes. Cette fois, il ne s'en tirera pas. Mais le coyote s'en sortit, et l'ours lui adressa un grognement appréciateur. Les coyotes étaient fourbes. Ils lui avaient plusieurs fois chapardé de la nourriture. Pas d'autre choix que de les frapper violemment contre un arbre, pour les mettre K.O. Là, ils se tenaient à carreau." 
 

"Les Voies d'Anubis" de Tim Powers

"Les Voies d'Anubis" de Tim Powers
Ed. Bragelonne 2013. Pages 476.
Titre original: "The Anubis Gates"

Vraiment, pourquoi Brendan Doyle, jeune professeur californien, aurait-il refusé de faire à Londres cette conférence payée à prix d'or? Comment deviner que l'attend la plus folle et la plus périlleuse des aventures ?
Voyez plutôt: à peine arrivé, le voici précipité, par une mystérieuse brèche temporelle, dans les bas-fonds de Londres. De Londres en 1810 ! Sorciers, sectes et rumeurs de loup-garou ... Et, nul doute, quelqu'un cherche à l'enlever sinon à le tuer !
Au hasard de sa fuite, Doyle régressera jusqu'en 1685 puis sera projeté dans l'Égypte de 1811 où des magiciens vénèrent encore le dieu Anubis. Traqué, maintes fois capturé et toujours s'échappant, il cherche à corps perdu la "brèche" du retour.

La 7 de la page 7: "Un paysage septentrional, se dit-il, animé par un vent dont l'âpreté limpide et la senteur des baies évoquaient irrésistiblement des flots de gin." 

Avec "Les Voies d'Anubis", on ouvre un roman plein de promesses où une écriture exigeante -et agréable- nous attend à chaque page. L'idée première du récit n'est pas, en elle-même, révolutionnaire mais elle nous promet une lecture où on pourra se plonger allègrement. 
Et cela fonctionne. Mais juste l'espace d'un instant malheureusement. L'homme de notre temps perdu dans cette Angleterre sombre et fascinante ne nous mène, au final, pas bien loin.
Si les descriptions sont exceptionnellement efficaces et que le lecteur est totalement enseveli dans ce monde du début du XXème siècle, qu'il est totalement emballé par le côté "steampunk" de cette histoire, cela ne dure pas. On commence à s'ennuyer. On se perd dans le cercle que forme ce roman. On a l'impression de tourner en rond dans une histoire dont l'auteur ne se décide pas à choisir une fin. Et c'est bien dommage car plus l'attente est importante, plus la déception est cruelle. Et la déception est malheureusement bien présente. Un potentiel coup de cœur monumental qui se transforme en coup d'épée dans l'eau.  

Extrait: "Quoique le marché au poisson de Billingsgate proprement dit n'eût lieu que dans la grande halle située en bordure du fleuve sur Lower Street, les carrioles des marchands de choux, de carottes et d'oignons se tassaient, moyeu contre moyeu, sur toute la longueur de Thames street depuis les Tower Stairs à l'Est, au pied du blanc château médiéval avec ses étendards qui flottaient au sommet des quatres tours, remontant vers l'ouest devant la façade gréco-romaine de la Customs House, puis au-delà des huit appontements bondés qui déservaient Billingsgate Market, et au-delà encore pour ne cesser que juste après London Bridge."

"The Heart of The Matter" de Graham Greene

"The Heart of the Matter" de Graham Greene.
Ed. Vintage Classics 2001. Pages 255.

Résumé: Scobie, a senior police officer serving in a war-time West African state, is distrusted, being scrupulously honest and immune to bribery. But then he falls in love, and is doing so he is forced to betray everything he believes in and stands for, with drastic and tragic consequences both for himself and for those around him.

La 7 de la page 7: "They are sending a man called Baker from Gambia." 

Avec "The Heart of the Matter" on entre dans un autre monde. Un monde révolu qui pourtant nous parle avec agilité et intelligence. Ce n'est pas une histoire de guerre même si le contexte s'y prête. Ce n'est pas une histoire d'espionnage même si le contexte s'y prête aussi. Non "The Heart of the Matter" est une histoire d'amour complexe et viscérale comme il en a rarement été écrite. Et si on y ajoute la plume acérée de Greene, on entre dans un roman sans concession qui nous percute de plein fouet. L'écriture de l'auteur oscille entre légèreté et lourdeur en créant ces personnages dont on ne sait trop quoi penser tant ils sont humains. Il est difficile de les aimer tout comme il est difficile de les haïr. Ils ont leurs défauts et leurs qualités. Ils font parfois -souvent- les mauvais choix. Ils semblent tous déambuler dans leurs bulles de réalité en ne se souciant pas du monde extérieur et de l'impact de leurs actes sur celui-ci. Et soudain, tout explose. Ils sont, comme le lecteur, envahi par le monde extérieur qui les rappelle à l'ordre. Greene y ajoute une bonne dose de puritanisme religieux qui semble naïf par rapport à la dureté impassible de la réalité. La foi semble les tenir en respect. Les péchés commis semblent les freiner. Et en fait, non. Bien sûr que non puisque que c'est d'amour que parle ici Greene. Pas un amour de princesse qui attend son prince charmant. Non, un amour violent et qui nous prend aux tripes. Celui contre lequel on ne peut rien. 
Un roman complexe qui se dévore avec avidité. 

Extrait; "At a quarter-past six next morning Ali called them. Scobie woke at once, but Louise remained sleeping -she had had a long day. Scobie watched her -this was the face he had loved: this was the face he loved. She was terrified of death by sea and yet she had come back,to make him comfortable." 

"La Lucarne" de José Saramago

"La Lucarne" de José Saramago
Ed. Points 2014. Pages 373.
Titre Original: "Claraboia"

Résumé: De la fenêtre de sa chambre, Abel, jeune homme sans attaches, observe la vie ordinaire de ses voisins, petites gens du Portugal des années 1950. Sous la dictature de Salazar, chacun garde sous clef ses secrets: amours clandestines ou incestueuses, haines et espoirs... Quels peuvent être ceux de Lidia, qui occupe l'appartement du dessus, et dont le charme ravit Abel ?

La 7 de la page 7: "Ces femmes étaient bien loquaces." 

"La Lucarne" est une lecture exigeante sans pour autant trop prendre la tête au lecteur. Si tous les personnages sont particulièrement bien construits, on ne peut que remarquer à quel point Saramago décrit bien les femmes. Elles sont justes, elles nous procurent de l'émotion. Les femmes de Saramago sont vraies et touchantes malgré la dureté qui les entoure. Là où "La Lucarne" est particulièrement réussi, c'est dans la difficulté de dégager un thème prépondérant. Bien sûr, on pourrait se lancer dans une analyse complète du roman qui détaillerait les thèmes sous-jacents, mais ici, on se laisse seulement porter par le roman en lui-même, le temps d'une lecture. On parle d'amour, d'argent, du bien, du mal... Tout cela dans un Portugal sous dictature. Au fil des conversations qui peuvent parfois sembler anodines, Saramago nous assène des vérités brutes et percutantes. Il transcende la banalité de l'être et la rend extraordinairement universelle et pourtant si personnelle. 
Les classes sociales se mélangent et interagissent avec intelligence et clairvoyance. Saramago nous dissèque une société portugaise divisée, et pourtant, étrangement semblable. Des générations se croisent et s'expliquent. Aucune n'a tort. Aucune n'a raison. La complexité se cache dans ce récit de vies. Et sans qu'on s'en rende compte, on se laisse happer par ces destins banals et pourtant tellement tragiques. Un grand livre. Un gros coup de coeur. 

Extrait: "Son visage luisait de crème de nuit et ses sourcils avaient besoin d'être épilés aux extrémités. Lidia n'était effectivement pas belle, et à cela il fallait ajouter que le calendrier avait déjà marqué le jour où elle avait eu trente-deux ans et que ses trente-trois ans n'étaient pas loin. Mais une séduction envoûtante se dégageait de toute sa personne." 
 


mardi 11 juillet 2017

"Mercier et Camier" de Samuel Beckett

"Mercier et Camier" de Samuel Beckett.
Ed. de Minuit 2016. Pages 212.

Résumé: Mercier et Camier nous invitent au voyage. La contrée qu'ils vont parcourir, une île jamais nommée, est parfaitement reconnaissable. C'est l'Irlande, merveilleusement décrite ici, avec ses landes de bruyères, les jetées de ses ports lancées vers le large pour enlacer la mer, ses sentiers parmi les tourbières, les écluses du canal de Dublin, tout un paysage si cher à Samuel Beckett et si souvent présent en filigrane dans toute son œuvre. Le but du voyage de Mercier et Camier n'est guère précis. Il s'agit " d'aller de l'avant ". Ils sont en quête d'un ailleurs qui, par nature même, s'abolit dès qu'il est atteint. Leurs préparatifs ont été extrêmement minutieux, mais rien ne se passe tout à fait comme prévu. Il faut d'abord parvenir à partir ce qui n'est jamais une mince affaire. Il faudra ensuite rebrousser chemin pour moins mal se remettre en route derechef. Il pleuvra énormément tout au long du voyage. Ils n'ont qu'un seul imperméable à se partager et, après maints efforts, leur parapluie refusera définitivement de s'ouvrir. Leur unique bicyclette va bientôt être réduite à peu de chose : on a volé les deux roues. Cependant, mille embûches ne peuvent les faire renoncer à quitter la ville. Mercier et Camier vont nous entraîner par monts et par vaux, et d'auberges en troquets où le whisky redonne courage. C'est qu'il faut du courage pour affronter leurs rencontres souvent périlleuses avec des personnages extravagants, cocasses ou inquiétants, voire hostiles, au point qu'un meurtre sera commis. De quiproquos en malentendus, de querelles en réconciliations, ainsi va le constant dialogue entre Mercier et Camier qui devisent et divaguent chemin faisant. Mercier et Camier sont unis dans l'épreuve et, si différents que soient leurs caractères, ils semblent à jamais indissociables. Cette solidarité survivra-t-elle aux péripéties du voyage ? Où vont-ils aboutir et peuvent-ils demeurer inchangés au terme d'une pérégrination si mouvementée ? 

La 7 de la page 7: "C'est une averse, plus ou moins prolongée, dit Mercier." 

"Mercier et Camier" est une oeuvre de Samuel Beckett, écrite en français par l'auteur et dramaturge irlandais. Si il est écrit en 1946, le roman ne sera pas publié avant 1970. 
Dès le départ, on ressent bien la patte de Beckett: deux personnages qui se cherchent sans se trouver alors qu'ils sont déjà, tout deux, présents. Ca nous rappelle quelque chose. 
La dualité du texte de "Mercier et Camier" est, elle aussi, propre à Beckett. On entre dans l'absurde et une réalité violente nous est offerte grâce à des métaphores dures qui dépeignent une réalité cruelle. Beckett est habile et nous envoie son message de manière cachée et pourtant tellement claire. 
L'écriture de l'auteur irlandais est exigeante et demande de la concentration à son lecteur. Beckett l'oblige à sortir de ses habitudes de lecture et de sa structure narrative plus conventionnelle. 
Mercier et Camier errent sans savoir réellement pourquoi, comme chacun d'entre nous. La destination, en elle-même, ils l'ignorent mais ils continuent quand même, inlassablement. Allégorie de la vie s'il y en a. Dans ce roman de Beckett, on rencontre des personnages burlesques et pourtant touchants par leur humanité. Où commence Mercier et où termine Camier, nous ne le saurons sans doute jamais. Un roman atypique sur deux êtres qui ne le sont pas moins. L'absurdité de l'être et de ses fondements, avec douceur et poésie. Un très bon moment de lecture. 

Extrait: "Assis au comptoir, ils devisèrent de choses et d'autres, à bâtons rompus, suivant leur habitude. Ils parlaient, se taisaient, s'écoutaient, ne s'écoutaient plus, chacun à son gré, et suivant son rythme à soi. Il y avait des moments, des minutes entières, où Camier n'avait pas la force de porter son verre à sa bouche. Quant à Mercier, il était sujet à la même défaillance."