vendredi 29 juillet 2016

"Le Barbier de Séville" de Beaumarchais


“Le Barbier de Séville” de Beaumarchais.
Ed. Petits Classiques Larousse 2006. Pages 206.

Résumé: Ah ! le triste sire ! Gros, court, gris, pommelé, rusé, blasé qui guette et furète, gronde et geint tout à la fois. Il est encore avare, brutal, amoureux et jaloux... Et la belle Rosine, sa jeune pupille, est l'infortunée victime de cette odieuse flamme... Mais le ciel protège, dit-on, ceux qui s'aiment. Et Figaro, le gai, l'impertinent, l'irremplaçable Figaro a tôt fait de voler au secours de son maître le comte Almaviva. La belle est cloîtrée ? Le vieillard méfiant ? Qu'à cela ne tienne ! Et le voilà qui court, trompe et invente l'habile stratagème pour sauver les amants. Un enlèvement ? À la bonne heure ! La difficulté de réussir ne fait qu'ajouter à la nécessité d'entreprendre, s'exclame le rusé.

La 7 de la page 7: “Figaro: Pourquoi?”

Commençons par prendre “Le Barbier de Séville” pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une comédie. Bien sûr que le propos de Beaumarchais est plus important qu’une simple comédie, mais nous y viendrons plus tard. Donc, une comédie. Toute la structure de Beaumarchais va dans ce sens. Une situation avec quiproquos et des personnages pittoresques qui ne vont pas sans rappeler Molière. L’humour de Beaumarchais est basé sur une certaine ironie et une fausse désinvolture. Il y a des décalages entre ce qui est dit et ce que comprennent les personnages. Le public est complice de la situation car il en sait plus que la plupart des personnages. Les dialogues sont rapides et mettent énormément de rythme dans la pièce. “Le Barbier de Séville” est donc une comédie de mœurs mordante avec une ironie sous-jacente importante qui suit les règles théâtrales quasiment à la lettre. Mais quel est le vrai propos de Beaumarchais? D’abord, sa pièce est un défi à la censure. La France de cette époque est un pays où il faut être aimé de tous ou simplement être plus malin que les autres. Donc Beaumarchais a besoin, tout d’abord, d’un texte qui passera le test de la censure.
Or dans ce même texte, l’auteur se moque de front de celle-ci:
Le comte: Ah! La Cabale! Monsieur l’auteur est tombé!”
Beaumarchais a donc été plus malin que la censure en proposant un texte aux apparences inoffensives mais pourtant acéré.
Derrière ce texte désinvolte se cache une vérité sincère et d’époque (mais toujours actuelle)
Figaro: (...) Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer.” Les temps ne sont pas bons à cette époque (ce n’est guère mieux aujourd’hui)
Car au-delà d’un pied de nez à la censure, “Le Barbier de Séville” est surtout une critique importante de la société française et de ceux qui la composent:
Figaro: En occupant les gens de leur propre intérêt, on les empêche de nuire à l’intérêt d’autrui.”
Tout y passe, censure, clergé, abus de pouvoir, les femmes:
Bartholo: Nous ne sommes pas ici en France, où l’on donne toujours raison aux femmes.”
On gardera surtout le personnage de Figaro dont la dualité est multiple: valet qui mène la danse ou encore valet qui se trouve être un érudit.
“Le Barbier de Séville” aura quand même le mérite de mettre les bases afin que Rossini nous livre un opéra-bouffe de cette comédie de mœurs qui  met en avant un futur encore plus glorieux pour Beaumarchais.

jeudi 28 juillet 2016

"Trois jours et une vie" de Pierre Lemaitre.


“Trois jours et une vie” de Pierre Lemaitre.
Ed. Albin Michel 2016. Pages 282.

Résumé: "A la fin de décembre 1999, une surprenante série d'événements tragiques s'abbatit sur Beauval, au premier rang desquels, bien sûr, la disparition du petit Rémi Desmedt. Dans cette région couverte de forêts, soumise à des rythmes lents, la disparition soudaine de cet enfant provoqua la stupeur et fut même considérée, par bien des habitants, comme le signe annonciateur des catastrophes à venir. Pour Antoine, qui fut au centre de ce drame, tout commença par la mort du chien..."

La 7 de la page 7: “il ne s’endormit que très tard, son sommeil fut visité par des chiens morts et des fusils, il s’éveilla rompu de fatigue.”

Premier Lemaitre en ce qui me concerne. J’ai un peu hésité. Le magazine “Lire” avait publié une chronique sur cet ouvrage, extrait à l’appui, et force est de constater que je n’avais pas vraiment accroché. Mais je me suis quand même lancée. Et j’en suis assez contente. Si le récit est assez lent, la force des descriptions et l’épaisseur des personnages, surtout Antoine, sont assez efficaces pour donner au lecteur l’envie de continuer afin de connaître la fin de cette histoire tragique mais somme toute, banale. Un enfant, déséquilibré par la vie en général, commet l’irréparable en tuant un de ses amis. Il cache le corps. Pendant les jours qui suivent (et une vie) le lecteur est le premier témoin des angoisses de cet enfant qui s’imagine fers aux pieds, pendu, molesté. Il est atteint de paranoïa. Celle-ci définit l’adulte froid et lâche qu’il deviendra. Une épopée pathétique pour un personnage assez détestable mais totalement humain. Du début à la fin. Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, Antoine est ce qu’il est. Pour le meilleur comme pour le pire.

Extrait: “Le flot de larmes d’Antoine était intarissable. Inexplicablement, il y avait du bonheur dans cet instant. Celui d’un soulagement qu’il n’espérait plus. C’était fini et ces pleurs étaient ceux de son enfance, ils avaient quelque chose de protecteur, ils lui procuraient un apaisement qu’il emporterait avec lui, où qu’on l’emmène.”

"England, England" de Julian Barnes.


“England, England” de Julian Barnes.
Ed. Folio 2002. Pages 442.

Résumé: Jerry Batson, qui se définit comme un "accoucheur d'idées", va en vendre une assez sensationnelle à sir Jack Pitman, un excentrique milliardaire: créer sur l'île de Wight une sorte de gigantesque parc d'attractions rassemblant tout ce qu'il y a de plus typique, de plus connu en Angleterre. Cela va des blanches falaises de Douvres à Manchester United, de Buckingham Palace à Stonehenge, du mausolée de la princesse Diana au théâtre de Shakespeare.
Le projet est monstrueux, hautement risqué, et voilà qu'il se révèle être un énorme succès. La copie va-t-elle surpasser l'original? Et qu'adviendra-t-il si c'est elle que les touristes préfèrent visiter?

La 7 de la page 7: “Un aveuglement persistant aussi.”

“England, England” est un roman ambitieux et intelligent. Il met en avant toute l’absurdité des systèmes politiques et économiques qui ne fonctionnent absolument pas. On part d’une idée brillante et on devient témoin de l’écroulement des valeurs qu’on avait, au préalable, établies. Sur fond de divertissement, Barnes nous emmène dans un texte politique important et brillamment exécuté. Sans pour autant entrer dans un débat trop lourd, Barnes nous offre un très bon roman ou le fond et la forme se rejoignent pour une apothéose littéraire très réussie.

Extrait: “Sir Jack aimait faire l'éloge des plaisirs simples - et le faisait annuellement en tant que président honoraire de l'Association des Randonneurs -, mail il savait aussi qu'aucun plaisir n'était plus vraiment simple. La jeune laitière et son galant ne dansaient plus autour du mât enrubanné en attendant impatiemment de manger une tranche de pâté de mouton froid. L'industrialisation et l'économie de marché les avaient depuis longtemps fait disparaître. Manger n'était pas simple, et une reconstruction historique de l'ordinaire de la laitière se révélait extrêmement difficile. Boire aussi était plus compliqué à présent. Le sexe ? Seuls les nigauds ont jamais cru que le sexe était un plaisir simple. L’exercice ? La danse autour du mât était devenue une séance d’entraînement. L'art ? L'art était devenu l'industrie du spectacle.”

"Chantier" de Stephen King.


“Chantier” de Richard Bachman a.k.a Stephen King
Ed. J’ai Lu 1995. Pages 413.
Titre original: “Roadwork”

Résumé: " Expropriation pour cause d'utilité publique " : pour un brave type qui vit depuis vingt ans dans sa maison, qu'est-ce que ça veut dire ? Du second étage de la blanchisserie où il travaille, Bart Dawes suit l'évolution du chantier.
La large cicatrice brune, couverte d'un cataplasme de boue, engloutit déjà le parc de Hebner Avenue où il amenait son fils quand il était petit... Des Huns ! Des barbares ! qui détruisent, arrachent, nivellent tout. Et pour quoi faire ? Extension de l'autoroute 794 ! Parce qu'un morveux de géomètre a décidé qu'elle passerait par là... Et les voisins s'en vont un à un. Bart, lui, veut se battre. Seul contre tous.
David contre Goliath ! Mais comment ? Se barricader ? Faire sauter le chantier ? Et après...

La 7 de la page 7: “Harry sortit le Magnum et le posa avec précaution sur le dessus de la vitrine.”

Qui mieux que Stephen King pourrait nous servir une histoire, à la base assez simple et basique, et nous la transformer en un récit angoissant et terrifiant? Ici, la terreur réside surtout dans le désespoir du protagoniste qui voit son présent et son avenir s’écrouler pour des histoires qui ne le concernent que très peu. Il n’est pas maître de sa détresse et c’est là que réside le côté pathétique du personnage. Si on ne cautionne pas ses agissements, on se reconnaît dans sa colère, dans sa fureur. Au-delà de cela, King signe, à nouveau, un roman acéré contre une société qui met le profit au centre des débats en oubliant complètement les humains qui la compose.

Extrait: “ Il y eut bien des moments agréables. Oh, je sais ce que tu penses, Fred. Des moments agréables, qu'est-ce que c'est ? Des moments sans grandes joies, sans grandes peines, des moments sans rien de grand. Des fadaises. Des barbecues sur la pelouse pendant, les longues soirées d'été, quand tout le monde est un peu éméché, sans être vraiment soûl,sans que cela devienne jamais déplaisant. Les voitures partagées entre voisins pour aller voir jouer les Mustang. Les invitations à dîner, les sorties. Les parties de golf à Westside, les pique-niques en famille à Ponderosa Pines, où l'on pouvait aussi faire du karting. Tu te souviens du jour où Bill Stauffer est passé à travers la clôture en planches et s'est retrouvé dans la piscine d'un type ? Oui, George, je m'en souviens, et on était tous pliés de rire, mais écoute-moi, George...
Mais les bulldozers vont bien vite enterrer tout ça, pas vrai , Fred ?

"Carrie" de Stephen King


“Carrie” de Stephen King.
Ed. J’ai Lu 1999. Pages 252.

Résumé: A dix-sept ans, solitaire, timide et pas vraiment jolie, Carrie White vit un calvaire, victime du fanatisme religieux de sa mère et des moqueries incessantes de ses camarades de classe. Sans compter ce don, cet étrange pouvoir de déplacer les objets à distance, bien qu'elle le maîtrise encore avec difficulté...
Un jour, cependant, la chance paraît lui sourire. Tommy Ross, le seul garçon qui semble la comprendre et l'aimer, l'invite au bal de printemps de l'école. Une marque d'attention qu'elle n'aurait jamais espérée, et peut-être même le signe d'un renouveau ! Loin d'être la souillonne que tous fustigent, elle resplendit et se sent renaître à la vie. Mais c'est compter sans l'aigreur et la mesquinerie des autres élèves.
Cette invitation, trop belle pour être vraie, ne cache-t-elle pas un piège plus cruel encore que les autres ?

La 7 de la page 7: “Elle trébucha en arrière, hurlant dans le silence qui venait de s’établir, ses avants-bras massifs croisés devant la figure, un tampon planté au milieu de sa toison pubienne.”

Le sujet de “Carrie” est dur. On y rencontre des adolescents cruels, une mère abusive, un système permissif et au centre de tout cela, une jeune fille aux pouvoirs impressionnants mais malheureusement dévastateurs. King nous offre une critique d’un système scolaire faible et trop souvent laxiste. Il nous y démontre également que la religion, poussée à son extrême est parfois (souvent) négative. Derrière la tragédie de la vengeance de Carrie, il y a une réflexion qui va au-delà du roman d’épouvante. Et cela fonctionne très bien. Mais malgré tout, “Carrie” reste le premier roman de King. Et cela se sent. On y retrouve les ingrédients qui feront de lui le plus grand des auteurs contemporains du genre mais malheureusement, la plume est encore assez fragile. Pour un premier roman, “Carrie” est une réussite mais n’atteint pas les sommets que l’auteur atteindra plus tard dans sa carrière magistrale.

Extrait: “A la suite d'un drame qui a entrainé la mort de deux cent personnes et la destruction d'une ville entière, il est si facile d'oublier un simple détail : nous étions des enfants. Des enfants qui s'efforçaient de faire de leur mieux...

"Autres chroniques de San Fransisco" de Armistead Maupin.


“Autres chroniques de San Fransisco” de Armistead Maupin.
Ed. 10/18 2012. Pages 382.
Titre original: “Further Tales of the City”

Résumé: Voici le troisième épisode des Chroniques de San Francisco, un feuilleton romanesque à l'humour décapant !
"Entre un ouvrier au grand coeur, une star de cinéma et son médecin favori - Jon Fielding, pour ne pas changer - Michael court toujours après l'homme de sa vie, Mary Ann, entrée à la télévision, court après le scoop de la sienne. DeDe revient de loin et Mme Madrigal cultive les petites herbes dans son jardinet... Ajoutez à cela quelques kidnappings, une course-poursuite entre l'Alaska et Barbary Lane, et vous aurez une idée de ce pétillant roman d'où on ressort tout étourdi, un sourire bêta scotché sur les lèvres..

La 7 de la page 7: “Mais certains décorateurs se prennent pour lui, non?”

Troisième volet de la saga des chroniques de San Fransisco. Premièrement, force est de constater que ce tome est légèrement en-dessous des deux premiers. L’histoire, toujours originale, est quelque peu plus faible que les deux précédentes. Mais cela reste un véritable plaisir de suivre les aventures de ces personnages tellement humains et tellement vrais. On souhaiterait pouvoir s’enfoncer dans les pages afin de se retrouver à San Fransisco en compagnie de ces personnages qui sont devenus, au fur et à mesure, un peu les nôtres.

Extrait: “Cela faisait maintenant presque trois ans que Michael Toliver était le gérant d'une jardinerie du Richmond District qui s'appelait Les Verts Pâturages. Le propriétaire de cette entreprise était le meilleur ami de Michel, Ned Lockwood, un type de quarante-deux ans tout en muscles qui était presque archétype du "pédé Grands-Espaces".
L'expression "pédé Grands-Espaces", dans la jargon personnel de Michael, s'appliquait à tous ceux qui s'occupent d'une manière virile des belles choses de la nature: pépiniéristes, jardiniers, forestiers, bûcherons - et quelques paysagistes. (Les fleuristes, évidement, étaient exclus de cette catégorie.)”

mercredi 27 juillet 2016

"Désolé, je suis attendue" de Agnès Martin-Lugand.


“Désolée, je suis attendue” de Agnès Martin-Lugand.
Ed. Michel Lafon 2016. Pages 376.

Résumé: Yaël ne vit que pour son travail. Brillante interprète pour une agence de renom, elle enchaîne les réunions et les dîners d'affaires sans jamais se laisser le temps de respirer. Les vacances, très peu pour elle, l'adrénaline est son moteur. Juchée sur ses éternels escarpins, elle est crainte de ses collègues, et ne voit quasiment jamais sa famille et ses amis qui s'inquiètent de son attitude. Peu lui importe les reproches qu'on lui adresse, elle a simplement l'impression d'avoir fait un autre choix, animée d'une volonté farouche de réussir. Mais le monde qu'elle s'est créé pourrait vaciller face aux fantômes du passé.

La 7 de la page 7: “Il y avait un petit côté crade, pas installé, avec des tabourets de bar branlants et une télé au-dessus du bar.”

“Désolée , je suis attendue” est ma première rencontre avec Agnès Martin-Lugand. Et certainement pas la dernière. Ce roman est léger sans pour autant perdre de son sérieux ni de son propos. Yaël est un personnage complexe mais surtout très réaliste. Même si on a une petite idée des raisons qui l’ont conduites à devenir aussi froide qu’une lasagne qu’on vient de sortir du congélateur, le récit reste très bien construit et le rythme incite le lecteur à continuer. On a absolument pas envie de laisser Yaël toute seule. On veut connaître son histoire. On l’accompagne dans ses changements. Parfois on la giflerait bien, mais souvent on a juste envie de la prendre dans nos bras et de la consoler, lui dire que tout va bien se passer. Les autres personnages sont le tremplin de ses changements. Ils sont crédibles, plus même, ils sont vrais. Si “Désolée, je suis attendue” a un petit côté roman d’amour, c’est surtout un récit de vie et de la manière dont nos choix et ceux des autres nous affectent ou, surtout, comment on les laisse nous affecter. Un vrai bon moment.

Extrait: “Ce samedi-là, je pris mon temps en rentrant dans la piscine. Sans savoir pourquoi, mon regard fit aimanté par une famille, ils faisaient leurs courses du samedi, les enfants étaient déchaînés et les parents avaient le teint brouillé et le regard partagé entre l’amour pour leurs petits et la colère d’avoir été réveillés trop tôt un matin de week-end. La femme du sentir que je les regardais, elle me jeta un coup d’œil peu amène et envieux; j’avais grosso modo le même âge qu’elle, elle devait se dire que je me pavanais dans ma tenue de sport dernier cri, avant de rentrer dans mon appartement design et impeccablement rangé pour prendre une douche qui pourrait durer plus d’une heure, pendant laquelle personne ne m’embêterait, et qu’ensuite, si je le voulais, je pourrais profiter des derniers rayons de soleil de l’automne et déjeuner d’un croque-madame en terrasse, avant de faire quelques boutiques et de dépenser tout cet argent que j’emmaganisait en me défonçant au travail.”

"Au nom de tous les miens" de Martin Gray.


“Au nom de tous les miens” de Martin Gray.
Ed. Pocket 1994. Pages 379.

Résumé: De la guerre, le petit Martin connaîtra tout : les privations, les humiliations, la peur durant le temps passé au ghetto de Varsovie, l'horreur absolue des camps nazis à Treblinka, la fureur de vivre quand il s'en échappera caché sous un camion, l'abattement et aussi le suprême courage quand il apprendra qu'il a perdu tous les siens...
Et puisqu'il faut bien vivre, il s'engagera ensuite dans l'Armée rouge, puis partira aux Etats-Unis... Enfin la paix reviendra. Martin reconstruit alors sa vie et rencontre le grand amour en la personne de Dina.
C'est dans le sud de la France, par une journée d'été éclatante, que le destin le blessera à nouveau - à mort - en décimant ceux qui lui sont le plus chers.

La 7 de la page 7: “Je tournais le bouton: radio-Varsovie jouait de longs morceaux de piano lugubres.”

“Au nom de tous les miens” est probablement une des œuvres majeures de la littérature de guerre. “Au nom de tous les miens” est une histoire de survie. Un jeune homme qui lutte pour survivre à une guerre atroce. De camps en camps, d’évasions en fuites, Martin Gray nous livre son histoire. Il nous livre sa vie, sa lutte. En son nom, il veut vivre. Au nom de tous les siens, il veut survivre afin de raconter, de donner un témoignage fort et important sur cette période très sombre de notre Histoire. Ce roman est à mettre entre toutes les mains. Ne jamais oublier, au nom de tous les siens.


Extrait: “Elle bat si fort ma tête, elle me fait si mal. Je me mords les joues, les lèvres, pour ne pas crier, je voudrais me déchirer, ouvrir ma poitrine avec mes mains, je voudrais hurler : "Je suis vivant !", hurler, et j'entends mon cri dans les caves de la Gestapo, Allée Szucha, à Varsovie, ces cris d'horreur que j'ai poussés aussi.

"La femme de hasard" de Jonathan Coe


“La femme de hasard” de Jonathan Coe.
Ed. Folio 2006. Pages 184.
Titre original: “The Accidental Woman”

Résumé: Maria, une jeune fille de milieu modeste, vit aux environs de Birmingham. Indifférente par choix, indécise par nature, elle trouve que l'on fait beaucoup de bruit pour peu de chose. Que valent les succès aux examens et les déclarations de Ronny qui l'aime désespérément, que penser des amis de classe avec leurs vacheries et leurs cancans... Seul le chat, un exemple d'indifférence satisfaite, lui donne à penser qu'une forme de bonheur est possible. Mais comment être heureux lorsque votre vie est une succession d'accidents, de hasards...
Premier roman de Jonathan Coe, "La femme de hasard" décrit une sinistre histoire, celle de Maria et ses désillusions. Toujours soucieux de lucidité et de démystification, Jonathan Coe se livre à une descente en flammes de toutes les institutions prisées dans la société et des formes couramment admises de bonheur, et fait de ce premier roman une œuvre exemplaire.


La 7 de la page 7: “Il ne tarda pas à replier son pupitre et à quitter la pièce, à la grande satisfaction de Maria.”

“La femme de hasard” est le premier roman de Jonathan Coe. Et le moins que l’on puisse dire que c’est une réussite. L’écriture est particulièrement efficace La protagoniste est humaine dans le sens strict du terme. Elle a également un côté qui peut sembler froid et légèrement pathétique. Or il n’en est rien. Elle vit juste sa vie, sans vague, sans remous. Comme toujours, Coe nous livre une critique acerbe de la société britannique. Insulaire et repliée sur elle-même, elle représente cette Angleterre statique et indifférente. Un roman assez court mais diablement efficace.

Extrait: “Rien n’est plus misérable que le souvenir du bonheur, position qu’on peut occuper de divers points de vue, comme nous le verrons dans certains des chapitres suivants. Dans le même ordre d’idées, à moins qu’il ne s’agisse d’un ordre d’idées opposée, rien n’est plus plaisant que la perspective du bonheur, et quand je dis « rien, je n’emploie pas ce mot à la légère. Car le bonheur en soi, se disait Maria, n’avait guère de poids comparé au temps passé soit dans sa perspective, soit dans son souvenir. En outre, l’expérience immédiate du bonheur paraissait complètement détachée de l’expérience de son attente ou de son souvenir. Jamais elle ne le disait, quand elle était heureuse : « C’est ça, le bonheur », et jamais donc elle ne l’identifiait comme tel au moment où elle le vivait. Ce qui ne l’empêchait pas de penser, quand elle ne le vivait pas, qu’elle avait une idée très claire de ce qu’il recouvrait. La vérité, c’est que Maria n’était vraiment heureuse que lorsqu’elle pensait au bonheur à venir, et je crois qu’elle n’était pas seule à adopter cette attitude absurde. Il est plus agréable, allez savoir pourquoi, d’éprouver de l’ennui, ou de l’indifférence, ou de la torpeur, en se disant : dans quelques minutes, quelques jours, quelques semaines, je serai heureux, que d’être heureux en sachant, fût-ce inconsciemment, que le prochain sursaut intérieur nous éloignera du bonheur. L’idée du bonheur, qu’il soit prospectif ou rétrospectif, éveille en nous des émotions beaucoup plus fortes que la seule émotion du bonheur. Fin de l’analyse.”

"Bloody Miami" de Tom Wolfe.


“Bloody Miami” de Tom Wolfe
Ed. Pocket 2014. Pages 820.
Titre Original: “Back to Blood”

Résumé: Une invasion armée, c'est une chose, évidemment. Mais Miami est la seule ville d'Amérique – et même du monde, à ma connaissance – ou une population venue d'un pays étranger, dotée d'une langue et d'une culture étrangères, a immigré et établi sa domination en l'espace d'une génération à peine – par la voie des urnes. Je veux parler des Cubains de Miami. Dès que j'ai pris conscience de cette réalité, j'ai trépigné d'impatience : il fallait que j'y aille. C'est ainsi que j'ai passé deux ans et demi dans la mêlée, en plein coeur de l'immense foire d'empoigne qu'est Miami. Il faut le voir pour le croire ; ou bien (oserais-je le suggérer ?) le lire dans Bloody Miami. Dans ce livre – ou il n'est pas question d'hémoglobine, mais de lignées –, Nestor, un policier cubain de vingt-six ans, se retrouve exilé par son propre peuple de la ville d'Hialeah, la véritable « Little Havana » de Miami, pour avoir sauvé de la noyade un misérable émigrant clandestin de La Havane ; Magdalena, sa ravissante petite amie de vingt-quatre ans, leur tourne le dos, à Hialeah et à lui, pour des horizons plus glamour en devenant la maîtresse d'abord d'un psychiatre, star des plateaux télé et spécialiste de l'addiction à la pornographie, puis d'un « oligarque » russe dont le plus grand titre de gloire est d'avoir donné son nom au Musée des beaux-arts de Miami (en lui vendant des faux pour soixante-dix millions de dollars...) ; un professeur haïtien risque la ruine pour que ses enfants mulâtres soient pris pour des Blancs ; un chef de la police noir décide qu'il en a assez de servir d'alibi à la politique raciale du maire cubain ; le rédacteur en chef WASP de l'unique quotidien anglophone encore publié à Miami, certes diplômé de Yale mais qui ne comprend rien aux contradictions intrinsèques et complètement cinglées de cette ville, meurt de peur de perdre sa place – et ses privilèges ; tandis que son jeune reporter vedette, également sorti de Yale – mais qui, lui, a tout compris –, s'échine (avec succès et avec l'aide de Nestor, notre jeune policier cubain) à traquer le scoop qui lui permettra de se faire une place à la hauteur de son ambition... et je n'évoque là que neuf des personnages de Bloody Miami, qui couvre tout le spectre social de cette mégapole multiethnique. J'espère qu'ils vous plairont. C'est un roman, mais je ne peux m'empêcher de me poser cette question : et si nous étions en train d'y contempler l'aurore de l'avenir de l'Amérique ?

La 7 de la page 7: “C’est tout juste s’il ne voyait pas, les lubrifiants et les spirochètes suintés dans l’entrejambe de leurs micro micro-shorts?”

Avec “Bloody Miami”, Tom Wolfe ne signe sans doute pas son plus grand roman. Mais ce n’est pas pour autant que ce livre n’est pas rondement mené. Commençons par l’écriture, toujours aussi magistrale, de Wolfe. Il nous emmène, littéralement, à Miami. On y étouffe sous sa plume si efficace qu’elle nous fait ressentir chaque brise et courber l’échine sous la chaleur de la Floride. L’histoire, ensuite. Comme toujours, Wolfe prend un personnage principal, ici Nestor Camacho, afin de disséquer une société construite sur l'émigration, les trafics et un sens de l’honneur parfois dérisoire. Son personnage est pathétique, minable. Il tente de s’élever socialement sans se rendre compte de ses capacités et de ses défauts plus qu’handicapants. Entre amour et trahisons, Wolfe nous fait détester ce personnage médiocre qui est pourtant loin d’être lisse. C’est peut-être pour cela que Camacho nous hérisse le poil, il est humain tout simplement. Une brique, comme toujours avec Wolfe, qui n’est certes pas aussi bonne à avaler que “Le bûcher des vanités” pour ne citer que lui mais qui ne nous laisse pas non plus une indigestion. A lire quand vous avez un peu de temps devant vous.


Extrait: “Miami est à ma connaissance la seule ville du monde – du monde, je dis bien- dont la population soit composée à plus de cinquante pour cent d'immigrés récents... d'immigrés récents, arrivés au cours des cinquante dernières années... ce n'est pas rien quand on y pense. Et ça donne quoi ? Ca donne – je discutais avec une dame à ce sujet l'autre jour, une Haïtienne, et elle m'a dit, « Dio, si vous voulez vraiment comprendre Miami, il y a une chose que vous devez savoir avant tout. A Miami, tout le monde déteste tout le monde.