dimanche 20 août 2017

"Les corps de verre" de Erik Axl Sund

"Les corps de verre" de Erik Axl Sund
Ed. Actes Sud 2015.Pages 422.
Titre Original: "Glaskroppar"

Résumé: Un peu partout en Suède, des jeunes mettent fin à leur vie. Une vague de suicides décidément étrange : chaque fois, les procédés choisis sont déroutants, les mises en scène horriblement méticuleuses… On charge l’inspecteur Jens Hurtig d’enquêter.
Bientôt la police découvre qu’au moment de passer à l’acte les victimes écoutaient une cassette, une mixtape unique créée pour l’occasion par un obscur musicien underground.

La 7 de la page 7: "Hurtig rit." 

Ma dernière rencontre avec les auteurs des "Corps de Verre" s'était assez mal terminée. J'avais terminé le deuxième tome de la saga Victoria Bergman avec la ferme intention de ne pas lire le troisième. Mais ici, il faut bien avouer que le quatrième de couverture m'a assez intriguée pour que je retourne vers eux. Et je ne le regrette absolument pas. "Les corps de verre" est un livre difficilement classable. On le mettrait avec aisance dans la catégorie thriller et pourtant, ce n'en est pas vraiment un. Certes, les codes sont bien ceux du thriller mais l'ambiance, en elle-même, est totalement maîtrisée. Et quelle ambiance... La noirceur de ce roman est exceptionnellement réussie. On entre dans une mélancolie noire. Si il y a beaucoup de personnages, on s'habitue vite à eux et on parvient à comprendre les tenants et les aboutissants sans aucun problème. Tout prend sens au moment voulu. Au fur et à mesure des pages, on se laisse envahir par la noirceur de ce texte quasi envoûtant. Les pages défilent à une vitesse déconcertante avec fluidité. Par contre, la fin est bâclée. Elle est bien trop alambiquée pour qu'on puisse vraiment y croire. Et cela est bien dommage. Mais au-delà de cette fin, l'ambiance en elle-même vaut bien la peine de s'attarder pour un temps dans ce roman dont la noirceur est presque le thème principal. 

Extrait: "Avec l'héroïne, ça a été le coup de foudre immédiat. Elle l'a séduit et est devenue sa camarade de jeu. Désormais, c'est un monstre qui le dévore de l'intérieur. Il va aux toilettes chercher une bande de gaze qu'il serre fort autour de son bras avant d'aller s'asseoir dans le canapé du séjour. La plénitude l'envahit. mais il sait que la sensation est fugace. Putain de bordel de merde. Quand toutes les portes sont closes et qu'on a aucune clé, alors on a le droit d'abandonner. A quoi bon proposer à l'adversaire de jouer la revanche, si la disposition de l'échiquier indique clairement que la partie est perdue d'avance?" 

"Joyland" de Stephen king

"Joyland" de Stephen King
Ed. Le Livre de Poche 2016. Pages 400.

Résumé: Après une rupture sentimentale, Devin Jones, 21 ans, débarque l’été 1973 à Joyland, petit parc d’attraction sur le littoral de la Caroline du Nord. Il est embauché avec d’autres étudiants pour compléter l’équipe de forains, à la fois étrange et joyeuse. Sa rencontre avec un petit garçon doué de voyance, atteint d’une maladie grave, et surtout de sa mère, va changer la vie de Devin. Obsédé par le mystère du train fantôme soi-disant hanté par le spectre d’une femme égorgée 4 ans auparavant, le jeune homme se lance dans l’enquête. Un nouveau meurtre est-il possible ? Parviendra-t-il à l’éviter ? Une chose est sûre, l’aventure le changera à jamais...

La 7 de la page 7: "Sauf que j'avais prévu de passer au moins une partie de cette semaine-là avec Wendy." 

Amateurs de l'horreur, de l'épouvante, du sanglant et du frisson, ce livre est... Non ce livre n'est absolument pas fait pour vous. Si vous vous attendez à un King qui vous en met plein la vue avec de l'hémoglobine dégoulinante et des monstres cachés dans des placards, vous risquez d'être copieusement déçu. Si il y a bien une base de surnaturel dans ce roman, King nous offre ici un récit de vie comme il sait tellement bien le faire. Devin ne va pas être confronté à des bêtes immondes sorties d'un monde innommable, non, Devin va être confronté au démon le plus coriace qu'il est jamais donné de rencontrer; la vie elle-même. Je sais que cela peut faire pompeux comme présentation mais c'est pourtant le cas. "Joyland" est l'histoire d'un été où tout s'est mal passé et où pourtant tout ce qui devait se passer est arrivé. Empreint d'une mélancolie efficace, ce roman se laisse lire comme on boit un bon vin. Tempéré, il se laisse respirer pour fondre sous nos papilles de lecteurs. Devin est en quête mais il ne le sait pas. Devin construit l'homme qu'il deviendra sans s'en rendre compte. Bien sûr il y a bien une histoire de fantôme et de tueur en série, King ne serait plus King sans cela. Mais ce récit là n'est que prétexte. King nous emmène à Joyland. On y sent les odeurs, le vent nous ébouriffe les cheveux et jamais on ne voudrait partir. Un roman qu'on ne peut lâcher, avides inexorablement de connaître la fin de la quête de Devin. Un King en douceur et en subtilité. Un King qui a mûrit et qui nous donne le meilleur de sa récolte. 

Extrait: "L'écriteau en coquillages avait disparu du porche de la grande maison grise de Heaven's Bay. Mrs Shoplaw avait fait le plein de pensionnaires pour l'été et j'ai béni intérieurement Lane hardy de m'avoir fait penser à réserver un logement à l'avance. La troupe de saisonniers de Joyland était arrivée et il ne restait pas une chambre libre en ville." 
 

"Last Call" de Alex Barclay

"Last Call" de Alex Barclay
Ed. Michel Lafon 2007. Pages 302.
Titre Original: "The Caller"

Résumé: Il entre chez ses victimes sans effraction. À croire qu'elles lui ouvrent la porte avec un sourire et lui offrent un café avant de finir le crâne défoncé, le visage mutilé, un téléphone à la main. À qui font-elles suffisamment confiance pour oublier les verrous, les digicodes et les caméras de sécurité, sinon à un maître des faux-semblants ? L'inspecteur Joe Lucchesi, du département de la police de New York, est chargé de diriger l'enquête. Mais cette affaire ravive chez lui des blessures encore béantes : une fois, déjà, il a permis à un monstre de s'introduire dans son intimité, de meurtrir sa femme et son fils. Face au Visiteur, comme la presse surnomme le tueur qui terrifie les New-Yorkais, Joe Lucchesi n'a pas le droit de baisser la garde.

La 7 de la page 7: "Du tofu." 

Le premier bon point de "Last Call" c'est qu'il ne fait pas partie de ces thrillers où il faut quatre-vingts pages d'introduction pour que l'action commence. Ici, on ne se pose pas de question, on entre directement dans le vif du sujet. 
Le style est assez plaisant et il est agréable de se laisser porter par ce thriller accessible et sans fioriture. Bien sûr, ce serait mentir que de dire que "Last Call" bouleverse les règles du thriller et nous offre une remise en question littéraire monumentale. Non... "Last Call" est un thriller sans prétention qui nous sert une intrigue efficace sans pour autant être totalement originale. 
Les personnages sont bien en place, l'intrigue est agréable et le lecteur se laisse porter, tranquillement. Que demander de plus par une journée pluvieuse? 

Extrait: "La pièce, de deux mètres cinquante sur trois, était dépourvue de fenêtres. De faibles rais de lumières s'allongeaient entre les barreaux qui coupaient le mur, du sol au plafond. La petite télévision montée sur une étagère noire à l'extérieur grésillait à plein volume. Sur un plateau, près de la porte, gisaient les reliefs racornis d'un repas carbonisé."

"13 Reasons Why" de Jay Asher

"13 Reasons Why" de Jay Asher
Ed. Albin Michel 2017. Pages 287.

Résumé: 
Clay Jensen reçoit sept cassettes enregistrées par Hannah Baker avant qu'elle ne se suicide. Elle y parle de treize personnes qui ont, de près ou de loin, influé sur son geste. Et Clay en fait partie. D'abord effrayé, Clay écoute la jeune fille en se promenant au son de sa voix dans la ville endormie. Puis il découvre une Hannah inattendue qui lui dit à l'oreille que la vie est dans les détails. Une phrase, un sourire, une méchanceté ou un baiser et tout peut basculer...

La 7 de la page 7: "Hannah Baker s'est suicidée." 

On ne va pas se mentir, oui j'avais regardé la série de Netflix avant de lire le roman. Je sais. C'est mal. Donc oui, je connaissais déjà l'histoire et je savais ce qui avait poussé Hannah à commettre l'irréparable. Et oui, j'avais beaucoup aimé la série même si je regrettais la lenteur accablante de Clay à écouter ces cassettes. Déjà premier point positif du livre: il les écoute en une seule et unique nuit. Comportement bien plus logique que celui du Clay télévisuel. Et c'est la seule réelle comparaison qu'on puisse faire entre le livre et la série. On est en présence de deux oeuvres différentes qui n'ont pas la même destination.  Si les raisons du suicide d'Hannah restent les mêmes, le récit est différemment délivré. Dans ce roman, Hannah peut sembler être beaucoup trop fragile pour ce monde. Et parfois, on se dit qu'elle devrait peut-être un peu se détendre. Et on réagit comme ceux qui n'ont rien fait pour elle en pensant que parfois, elle exagère quand même un peu et que le monde ne tourne pas uniquement autour d'elle. Or autour de quoi d'autre le monde tourne-t-il quand on a 17 ans? Qui est le vrai "héro" de ce roman? Hannah ou Clay? Si on assiste à la descente aux enfers de Hannah, on est également témoin de la détresse de Clay, impuissant devant la tragédie qui s'est déjà produite. Témoin involontaire des "détails" qui mèneront Hannah au suicide, nous aussi, nous sommes spectateurs d'un désastre qui s'est déjà produit. On en vient à s'impliquer dans l'histoire d'Hannah, à lui en vouloir parfois de ne pas avoir eu assez confiance en certains et trop en d'autres. Mais peut-on pourtant crier au génie de l'auteur? Peut-on réellement dire que ce roman est particulièrement réussi. Oui et non. D'abord non. Parce qu'il faut bien avouer que l'auteur n'a pas inventé grand chose. Le style est plutôt basique et la lecture parfois monotone. Et pourtant oui. Oui parce qu'il aborde un sujet particulièrement délicat et que ce sujet là mérite bien un roman coup de poing: Elle est morte. Vous ne pourrez rien y changer. Maintenant, lisez son histoire. Alors ce n'est pas le roman du siècle mais si il peut donner une impulsion par rapport à un sujet de société bien réel, je ne vois pas 13 raisons pourquoi ne pas le faire... 

Extrait: "Salut tout le monde. Ici Hannah Baker. En live stéréo. Je n'en crois pas mes oreilles. Il n'y aura pas d'autres dates. Pas de rappel. Et cette fois, aucune intervention du public. Non c'est impossible. Hannah Baker s'est suicidée. J'espère que vous êtes prêts, parce que je vais vous raconter l'histoire de ma vie. Ou plus exactement la raison pour laquelle elle s'est arrêtée. Et si vous êtes en train d'écouter les cassettes, c'est que vous êtes l'une des raisons." 

"Le secret de Crickley Hall" de James Herbert

"Le secret de Crickley Hall" de James Herbert
Ed. Milady 2011. Pages 764.
Titre Original: "The Secret of Crickley Hall"

Résumé: Crickley Hall : une vieille demeure comme on n en trouve que dans les régions reculées de l Angleterre. Vaste et sinistre, elle a même l air un peu menaçant.
Lorsque Gabe et Eve Caleigh viennent s y installer avec leurs deux petites filles, ils espèrent y trouver la paix, et tourner la page sur le terrible malheur qui a frappé leur famille.
Mais quelque chose ne va pas... Bientôt des bruits inexplicables les arrachent au sommeil. Les enfants sont les seuls témoins d étranges apparitions. Et, chaque matin, la porte de la cave est entrouverte alors qu on l avait fermée la veille.
Cette maison est le dernier endroit que les Caleigh auraient dû choisir. L'horreur qui les y attend dépasse tout ce qu ils pouvaient imaginer.
Oserez-vous affronter le terrifiant secret de Crickley Hall ?

La 7 de la page 7: "Gabe gratifia le chien, désormais alerte, d'un léger signe du menton vers le haut, comme un hochement d'approbation inversé." 

Si "Le secret de Crickley Hall" est désigné comme un thriller, il a plutôt sa place dans la catégorie horreur/épouvante. Tout y est: les codes, l'ambiance, les personnages, la maison... 
Malheureusement, ce roman est lent. Mais vraiment lent. L'intrigue met du temps à réellement s'installer et une fois que le récit s'emballe, on est presque déjà passé à autre chose. La tension est montée, certes, mais le temps qu'elle nous atteigne, on ne peut plus être surpris par ce récit. 
Et au-delà de cette lenteur accablante, il y a un autre problème beaucoup plus ennuyeux. Cette histoire tombe dans les clichés pratiquement dès la première page. Une famille qui vient de subir un drame déménage dans une maison inquiétante où leur entourage est mystérieux. Comme on dit en anglais: "Been There. Done That." 
On a aucun mal à voir où Herbert tente de nous emmener. On y a déjà été. Plusieurs fois. Et il n'y a pas ce petit quelque chose en plus qui aurait pu faire une différence. Une vraie déception. 

Extrait: "Cette nuit-là, ils dormirent tous ensemble, les filles blotties entre Gabe et Eve. A la différence que, cette fois, Chester refusait de quitter la cuisine où Gabe avait été contraint de le faire rentrer à cause de la pluie. Chester avait opposé une farouche résistance lorsque Gabe avait tiré sur son collier, répondant aux tentatives de son maître pour l'amadouer par des gémissements, la queue basse. En dépit des supplications de Gabe, le bâtard était resté collé à la porte qui donnait sur le jardin; là, il s'était recroquevillé, les yeux emplis d'une terreur qu'il était seul à comprendre." 

"La mémoire du sang" de Greg Iles

"La mémoire du sang" de Greg Iles
Ed. France Loisirs 2006. Pages 699.
Titre original: "Blood Memory"

Résumé: Cat Ferry est dentiste, spécialisée en médecine légale. Maniaco-dépressive, en proie à d'affreux cauchemars, elle noie ses démons dans l'alcool. Appelée à La Nouvelle-Orléans auprès du corps couvert de morsures de la énième victime d'un tueur en série, Cat s'effondre, prise d'une attaque de panique. Elle est immédiatement écartée de l'enquête. De retour dans la propriété de son enfance, au cœur du Mississippi, elle répand par mégarde dans sa chambre de petite fille l'un de ses produits chimiques, qui fait apparaître d'anciennes traces de sang. Il y a vingt ans, son père a été mystérieusement assassiné. Cat, frappée de mutisme à la suite du drame, a tout oublié. Mais, tandis qu'elle recompose le puzzle de son enfance, elle y découvre un lien avec la série de meurtres de La Nouvelle-Orléans... Une anti-héroïne perdue et fascinante, une intrigue implacable, un suspense incroyablement rythmé : du pur concentré de thriller, signé par un grand nom du genre.

La 7 de la page 7: "Anatomie, hématologie, histologie, biochimie, tout ce qu'une enquête peut requérir." 

En commençant "La Mémoire du sang" j'ai eu un sentiment mitigé. Le texte est particulièrement froid et le principal personnage est dans la même mouvance. Le côté "femme forte et tourmentée" est présenté de telle manière que cela m'a directement dérangée. Une certaine antipathie pour le personnage de Cat s'est alors installée. Et à partir de là, j'ai eu énormément de mal à m'intégrer dans cette histoire. Et pourtant...Même si les débuts sont réellement chaotiques en ce qui me concerne, le personnage de Malik va changer la donne. Grâce à lui, on commence à entrevoir un peu d'épaisseur dans cette intrigue. Iles commence alors à aborder des sujets plus durs et donne à Cat une ampleur plus humaine. L'intrigue décolle et le doute s'installe. Il est dommage de devoir attendre si longtemps pour s'intéresser à cette histoire mais, au final, cela en vaut la peine. On en vient à douter de tous et de tout. Même de Cat. On entre dans le psychologique et il devient quasi impossible de s'en défaire. Un avis qui n'est donc pas si mitigé que cela. Une bonne histoire un peu difficile à appréhender au départ mais qui nous donne un agréable moment de lecture. 

Extrait: "On quitte un endroit quand on est jeune, sans savoir pourquoi, seulement parce qu'on doit s'en échapper." 
 

"L'Eventreur de Pékin" de Peter May

"L'Eventreur de Pékin" de Peter May
Ed. France Loisirs 2006. Pages 474.
Titre Original: "Chinese Whispers"

Résumé: " Qian ouvrit le tiroir supérieur de son bureau et en sortit une chemise A4 en plastique.
A l'intérieur était glissée une feuille dépliée. Il la remit à Li, puis se retira près de la fenêtre pour respirer un peu d'air frais. Li reconnut les caractères peu soignés, à l'encre rouge : Je vous envoie la moitié du rein que j'ai pris sur une femme. Conservé pour vous. L'autre morceau, je l'ai frit et mangé. " L'inspecteur Li Yan sait qu'il a en face de lui un redoutable adversaire. Celui qui se surnomme " l'éventreur de Pékin " a déjà exécuté plusieurs victimes chinoises, les laissant affreusement mutilées : la gorge coupée, le visage tailladé, les organes vitaux extraits et placés dans ce qui s'avère être une mise en scène extrêmement réfléchie.
Tout va se précipiter lorsqu'une scientifique américaine se livrant à des expériences sur un nouveau procédé de détection du mensonge est assassinée à son tour. Li découvre alors que le meurtrier lui en veut personnellement et cherche à le détruire. La situation devient vite infernale aussi bien pour lui que pour sa compagne, le docteur Margaret Campbell.

La 7 de la page 7: "Elle n'avait pas de véritables revenus personnels en dehors de l'argent que lui rapportaient les quelques conférences données à l'université de la Sécurité publique." 

En ouvrant "L'Eventreur de Pékin", je ne savais pas trop à quoi m'attendre et au final, heureusement que je ne m'attendais pas trop. En gros, c'est l'histoire de Jack L'Eventreur mais en Chine. Pas de surprise donc si on connaît l'histoire du tueur en série anglais. Pas d'enthousiasme non plus. Le récit est truffé de références et on se demande comment les inspecteurs peuvent encore être surpris de leur enquête. Le lecteur se doute de ce qui va suivre et soupire parfois de la lenteur de ces inspecteurs qui restent en première tout le long du roman. On se doute d'où May veut nous emmener et c'est bien dommage. Ce livre est beaucoup trop prévisible pour qu'on y prenne vraiment plaisir. Ce qui "sauve" partiellement ce roman est sans doute l'immersion dans la culture chinoise. Mais c'est vraiment pour mettre en avant un point positif du roman. Pas d'explosion. Pas de rebondissement. Une écriture un peu froide et une fin qui laisse vraiment à désirer. Une grosse déception. 

Extrait: "Détectant quelque chose dans sa voix, elle lui lança un rapide coup d’œil, mais ne dit rien. Elle savait que s'il voulait parler, il le ferait. Elle cassa un œuf sur la crêpe, l'étala, et le saupoudra de graines avant de badigeonner le tout de sauces épicées appétissantes. Elle avait les doigts rougis et irrités par le froid." 

"Antéchrista" de Amélie Nothomb

"Antéchrista" de Amélie Nothomb.
Ed. Le Livre de Poche 2016. Pages 160.

Résumé: Avoir pour amie la fille la plus admirée de la fac, belle, séduisante, brillante, enjouée, audacieuse ? Lorsque Christa se tourne vers elle, la timide et solitaire Blanche n'en revient pas de ce bonheur presque écrasant.
Elle n'hésite pas à tout lui donner, et elle commence par l'installer chez elle pour lui épargner de longs trajets en train. Blanche va très vite comprendre dans quel piège redoutable elle est tombée. Car sa nouvelle amie se révèle une inquiétante manipulatrice qui a besoin de s'affirmer en torturant une victime. Au point que Blanche sera amenée à choisir : se laisser anéantir, ou se défendre. 

La 7 de la page 7: "Le lendemain, au prix d'un courage sans précédent, j'en parlais à Christa: si tu veux,  les lundis soir, tu pourrais loger chez moi." 

Comme quoi, tout arrive: j'ai vraiment aimé "Antéchrista" de Amélie Nothomb. N'étant pas très fan de l'auteure, j'ai toujours eu du mal à m'impliquer dans ses romans. C'est donc avec scepticisme que j'ai ouvert "Antéchrista". Mais c'est avec le sourire que je l'ai fermé. Parce que, pour une fois, oui, j'ai apprécié ma lecture. La relation malsaine qui se développe entre Christa et Blanche est correctement maîtrisée. La mesure est présente dans le texte de l'auteur, qui, pour une fois, n'en fait pas des caisses. Christa est une sale peste et il faut impérativement que Blanche s'en débarrasse. Facile. Efficace. Que demander de plus? L'écriture est fluide et agréable et le texte assez court. Ce qui permet de le lire d'une seule traite. Un bon moment de lecture. 

Extrait: "Le premier jour, je la vis sourire. Aussitôt, je voulus la connaître. Je savais bien que je ne la connaîtrais pas. Aller vers elle, je n'en étais pas capable. J'attendais toujours que les autres m'abordent; personne ne venant jamais. C'était ça l'université: croire que l'on allait s'ouvrir sur l'univers et ne rencontrer personne."  

"Stupeur et tremblements" de Amélie Nothomb

"Stupeur et Tremblements" de Amélie Nothomb.
Ed. Le Livre de Poche 2016. Pages 186.

Résumé:Au début des années 90, la narratrice est embauchée par Yumimoto, une puissante firme japonaise. Elle va découvrir à ses dépens l'implacable rigueur de l'autorité d'entreprise, en même temps que les codes de conduite, incompréhensibles au profane, qui gouvernent la vie, sociale au pays du Soleil levant. D'erreurs en maladresses et en échecs, commence alors pour elle, comme dans un mauvais rêve, la descente inexorable dans les degrés de la hiérarchie, jusqu'au rang de surveillante des toilettes, celui de l'humiliation dernière.

La 7 de la page 7: "Mademoiselle Mori mesurait au moins un mètre quatre-vingts, taille que peu d'hommes japonais atteignent." 

Je suis Belge et pourtant, je dois bien avouer que les récits d'Amélie Nothomb, auteure majeure de mon pays ont le don de me plomber l'ambiance de mon week-end. Mais, dans une volonté de comprendre le "phénomène Nothomb" qui veut qu'on crie au génie à chaque fois qu'elle sort un nouveau roman. Donc me voilà, en compagnie de "Stupeur et Tremblements". 
Et je dois bien avouer que j'ai pas mal apprécié la lecture. Le style est fluide et assez agréable. On s'immerge dans cette entreprise japonaise en se demandant quand même quel est le problème exact de ce peuple, ce qui n'est pas, je pense, le but. Si le ton est humoristique, le récit est tout de même rempli de sadisme et d'humiliations assez volontaires. On se sent mal à l'aise en compagnie de ces personnages, tellement différents de notre culture et qu'il est fort difficile d'apprécier. Les méprisés du roman deviennent les héros du lecteur tandis que les bourreaux se transforment en monstres inqualifiables. Or, je ne pense vraiment pas que cela soit le but du roman. Peut-être est-il plus question de différences culturelles. Le plaisir de lecture n'est pas forcément constant mais on peut commencer à entrevoir les raisons du succès de Nothomb. Le livre est assez bon. Mais je ne suis toujours pas convaincue. 

Extrait:" J'eus envie de demander où était mon erreur, mais il était clair que mon chef ne tolérait pas les questions, comme l'avait prouvé sa réaction à mon investigation au sujet du destinataire. Il fallait donc que je trouve par moi-même quel langage tenir au mystérieux Adam Johnson." 
 

"L'Ours est un écrivain comme les autres" de William Kotzwinkle

"L'ours est un écrivain comme les autres" de William Kotzwinkle
Ed. 10/18 2016. Pages 286.
Titre Original: "The Bear went over the Mountain"

Résumé: Il était une fois un ours qui voulait devenir un homme… et qui devint écrivain. Ayant découvert un manuscrit caché sous un arbre au fin fond de la forêt du Maine, un plantigrade comprend qu’il a sous la patte le sésame susceptible de lui ouvrir les portes du monde humain – et de ses supermarchés aux linéaires débordants de sucreries… Le livre sous le bras, il s’en va à New York, où les éditeurs vont se battre pour publier l’œuvre de cet écrivain si singulier – certes bourru et imprévisible, mais tellement charismatique ! Devenu la coqueluche du monde des lettres sous le nom de Dan Flakes, l’ours caracole bientôt en tête de liste des meilleures ventes…
William Kotzwinkle est l’un des écrivains américains les plus comiques : il s’en donne à cœur joie dans cette parabole animalière hilarante, irrésistible satire des milieux littéraires et médiatiques.

La 7 de la page 7: "Il tâcha de ne pas se départir de son savoir-vivre alors qu'il bouillonnait secrètement de joie."  

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'en ouvrant "L'ours est un écrivain comme les autres", on ouvre une petite pépite de littérature. Ce roman est un ovni dans lequel on entre directement dans le vif du sujet. Un ours vole un manuscrit. En voilà une idée saugrenue. Et pourtant diablement efficace. Il y a tellement de degrés de lecture dans ce roman qu'il est difficile de les compter. L'ours est l'homme brut, l'homme de base jugé par les  élites intellectuelles. Celui qui ne comprend rien. Et pourtant tout le monde n'a qu'un souhait: lui plaire. Paradoxe de notre société où tout n'est qu'apparences et prétentions, l'ours se joue de tous et de toutes, tout en restant toujours un ours. Ce roman est drôlissime et pourtant tellement virulent. "L'ours est un écrivain comme les autres" est une critique viscérale de notre société et du monde de l'édition, voir le monde culturel dans sa grande généralité. Chacun en prend magistralement pour son grade. Tout le monde l'adore, personne ne le connaît. On crie au génie alors qu'il n'a strictement rien fait, mis à part, peut-être, être un ours. On recherche du sens dans tout et n'importe quoi. L'art est l'excuse la plus utilisée afin de faire n'importe quoi. Et on en redemande. Toujours plus. L'ours, c'est l'anticonformisme qui s'ignore. 
A force de vouloir paraître intelligents et spirituels, les personnages tombent dans le piège de Kotzwinkle, ils touchent le ridicule et s'y prélassent avec joie. 
L'auteur et son ours nous offrent un roman intelligent, acide, drôle et diablement réussi. Un pur bijou. 

Extrait: "Retournant d'un pas traînant dans le salon, il se rassit devant le dessin animé. Le Coyote, à présent, se faisait écraser par un rouleau compresseur, son cou s'allongeant tandis qu'il cherchait à s'échapper. L'ours applaudit des deux pattes. Cette fois, il ne s'en tirera pas. Mais le coyote s'en sortit, et l'ours lui adressa un grognement appréciateur. Les coyotes étaient fourbes. Ils lui avaient plusieurs fois chapardé de la nourriture. Pas d'autre choix que de les frapper violemment contre un arbre, pour les mettre K.O. Là, ils se tenaient à carreau." 
 

"Les Voies d'Anubis" de Tim Powers

"Les Voies d'Anubis" de Tim Powers
Ed. Bragelonne 2013. Pages 476.
Titre original: "The Anubis Gates"

Vraiment, pourquoi Brendan Doyle, jeune professeur californien, aurait-il refusé de faire à Londres cette conférence payée à prix d'or? Comment deviner que l'attend la plus folle et la plus périlleuse des aventures ?
Voyez plutôt: à peine arrivé, le voici précipité, par une mystérieuse brèche temporelle, dans les bas-fonds de Londres. De Londres en 1810 ! Sorciers, sectes et rumeurs de loup-garou ... Et, nul doute, quelqu'un cherche à l'enlever sinon à le tuer !
Au hasard de sa fuite, Doyle régressera jusqu'en 1685 puis sera projeté dans l'Égypte de 1811 où des magiciens vénèrent encore le dieu Anubis. Traqué, maintes fois capturé et toujours s'échappant, il cherche à corps perdu la "brèche" du retour.

La 7 de la page 7: "Un paysage septentrional, se dit-il, animé par un vent dont l'âpreté limpide et la senteur des baies évoquaient irrésistiblement des flots de gin." 

Avec "Les Voies d'Anubis", on ouvre un roman plein de promesses où une écriture exigeante -et agréable- nous attend à chaque page. L'idée première du récit n'est pas, en elle-même, révolutionnaire mais elle nous promet une lecture où on pourra se plonger allègrement. 
Et cela fonctionne. Mais juste l'espace d'un instant malheureusement. L'homme de notre temps perdu dans cette Angleterre sombre et fascinante ne nous mène, au final, pas bien loin.
Si les descriptions sont exceptionnellement efficaces et que le lecteur est totalement enseveli dans ce monde du début du XXème siècle, qu'il est totalement emballé par le côté "steampunk" de cette histoire, cela ne dure pas. On commence à s'ennuyer. On se perd dans le cercle que forme ce roman. On a l'impression de tourner en rond dans une histoire dont l'auteur ne se décide pas à choisir une fin. Et c'est bien dommage car plus l'attente est importante, plus la déception est cruelle. Et la déception est malheureusement bien présente. Un potentiel coup de cœur monumental qui se transforme en coup d'épée dans l'eau.  

Extrait: "Quoique le marché au poisson de Billingsgate proprement dit n'eût lieu que dans la grande halle située en bordure du fleuve sur Lower Street, les carrioles des marchands de choux, de carottes et d'oignons se tassaient, moyeu contre moyeu, sur toute la longueur de Thames street depuis les Tower Stairs à l'Est, au pied du blanc château médiéval avec ses étendards qui flottaient au sommet des quatres tours, remontant vers l'ouest devant la façade gréco-romaine de la Customs House, puis au-delà des huit appontements bondés qui déservaient Billingsgate Market, et au-delà encore pour ne cesser que juste après London Bridge."

"The Heart of The Matter" de Graham Greene

"The Heart of the Matter" de Graham Greene.
Ed. Vintage Classics 2001. Pages 255.

Résumé: Scobie, a senior police officer serving in a war-time West African state, is distrusted, being scrupulously honest and immune to bribery. But then he falls in love, and is doing so he is forced to betray everything he believes in and stands for, with drastic and tragic consequences both for himself and for those around him.

La 7 de la page 7: "They are sending a man called Baker from Gambia." 

Avec "The Heart of the Matter" on entre dans un autre monde. Un monde révolu qui pourtant nous parle avec agilité et intelligence. Ce n'est pas une histoire de guerre même si le contexte s'y prête. Ce n'est pas une histoire d'espionnage même si le contexte s'y prête aussi. Non "The Heart of the Matter" est une histoire d'amour complexe et viscérale comme il en a rarement été écrite. Et si on y ajoute la plume acérée de Greene, on entre dans un roman sans concession qui nous percute de plein fouet. L'écriture de l'auteur oscille entre légèreté et lourdeur en créant ces personnages dont on ne sait trop quoi penser tant ils sont humains. Il est difficile de les aimer tout comme il est difficile de les haïr. Ils ont leurs défauts et leurs qualités. Ils font parfois -souvent- les mauvais choix. Ils semblent tous déambuler dans leurs bulles de réalité en ne se souciant pas du monde extérieur et de l'impact de leurs actes sur celui-ci. Et soudain, tout explose. Ils sont, comme le lecteur, envahi par le monde extérieur qui les rappelle à l'ordre. Greene y ajoute une bonne dose de puritanisme religieux qui semble naïf par rapport à la dureté impassible de la réalité. La foi semble les tenir en respect. Les péchés commis semblent les freiner. Et en fait, non. Bien sûr que non puisque que c'est d'amour que parle ici Greene. Pas un amour de princesse qui attend son prince charmant. Non, un amour violent et qui nous prend aux tripes. Celui contre lequel on ne peut rien. 
Un roman complexe qui se dévore avec avidité. 

Extrait; "At a quarter-past six next morning Ali called them. Scobie woke at once, but Louise remained sleeping -she had had a long day. Scobie watched her -this was the face he had loved: this was the face he loved. She was terrified of death by sea and yet she had come back,to make him comfortable." 

"La Lucarne" de José Saramago

"La Lucarne" de José Saramago
Ed. Points 2014. Pages 373.
Titre Original: "Claraboia"

Résumé: De la fenêtre de sa chambre, Abel, jeune homme sans attaches, observe la vie ordinaire de ses voisins, petites gens du Portugal des années 1950. Sous la dictature de Salazar, chacun garde sous clef ses secrets: amours clandestines ou incestueuses, haines et espoirs... Quels peuvent être ceux de Lidia, qui occupe l'appartement du dessus, et dont le charme ravit Abel ?

La 7 de la page 7: "Ces femmes étaient bien loquaces." 

"La Lucarne" est une lecture exigeante sans pour autant trop prendre la tête au lecteur. Si tous les personnages sont particulièrement bien construits, on ne peut que remarquer à quel point Saramago décrit bien les femmes. Elles sont justes, elles nous procurent de l'émotion. Les femmes de Saramago sont vraies et touchantes malgré la dureté qui les entoure. Là où "La Lucarne" est particulièrement réussi, c'est dans la difficulté de dégager un thème prépondérant. Bien sûr, on pourrait se lancer dans une analyse complète du roman qui détaillerait les thèmes sous-jacents, mais ici, on se laisse seulement porter par le roman en lui-même, le temps d'une lecture. On parle d'amour, d'argent, du bien, du mal... Tout cela dans un Portugal sous dictature. Au fil des conversations qui peuvent parfois sembler anodines, Saramago nous assène des vérités brutes et percutantes. Il transcende la banalité de l'être et la rend extraordinairement universelle et pourtant si personnelle. 
Les classes sociales se mélangent et interagissent avec intelligence et clairvoyance. Saramago nous dissèque une société portugaise divisée, et pourtant, étrangement semblable. Des générations se croisent et s'expliquent. Aucune n'a tort. Aucune n'a raison. La complexité se cache dans ce récit de vies. Et sans qu'on s'en rende compte, on se laisse happer par ces destins banals et pourtant tellement tragiques. Un grand livre. Un gros coup de coeur. 

Extrait: "Son visage luisait de crème de nuit et ses sourcils avaient besoin d'être épilés aux extrémités. Lidia n'était effectivement pas belle, et à cela il fallait ajouter que le calendrier avait déjà marqué le jour où elle avait eu trente-deux ans et que ses trente-trois ans n'étaient pas loin. Mais une séduction envoûtante se dégageait de toute sa personne."