“Bloody Miami” de Tom
Wolfe
Ed. Pocket 2014.
Pages 820.
Titre Original: “Back
to Blood”
Résumé: Une invasion armée, c'est une chose, évidemment. Mais Miami est la
seule ville d'Amérique – et même du monde, à ma connaissance – ou une
population venue d'un pays étranger, dotée d'une langue et d'une culture
étrangères, a immigré et établi sa domination en l'espace d'une génération à peine
– par la voie des urnes. Je veux parler des Cubains de Miami. Dès que j'ai pris
conscience de cette réalité, j'ai trépigné d'impatience : il fallait que j'y
aille. C'est ainsi que j'ai passé deux ans et demi dans la mêlée, en plein
coeur de l'immense foire d'empoigne qu'est Miami. Il faut le voir pour le
croire ; ou bien (oserais-je le suggérer ?) le lire dans Bloody Miami. Dans ce
livre – ou il n'est pas question d'hémoglobine, mais de lignées –, Nestor, un
policier cubain de vingt-six ans, se retrouve exilé par son propre peuple de la
ville d'Hialeah, la véritable « Little Havana » de Miami, pour avoir sauvé de
la noyade un misérable émigrant clandestin de La Havane ; Magdalena, sa
ravissante petite amie de vingt-quatre ans, leur tourne le dos, à Hialeah et à
lui, pour des horizons plus glamour en devenant la maîtresse d'abord d'un
psychiatre, star des plateaux télé et spécialiste de l'addiction à la
pornographie, puis d'un « oligarque » russe dont le plus grand titre de gloire
est d'avoir donné son nom au Musée des beaux-arts de Miami (en lui vendant des
faux pour soixante-dix millions de dollars...) ; un professeur haïtien risque
la ruine pour que ses enfants mulâtres soient pris pour des Blancs ; un chef de
la police noir décide qu'il en a assez de servir d'alibi à la politique raciale
du maire cubain ; le rédacteur en chef WASP de l'unique quotidien anglophone
encore publié à Miami, certes diplômé de Yale mais qui ne comprend rien aux
contradictions intrinsèques et complètement cinglées de cette ville, meurt de
peur de perdre sa place – et ses privilèges ; tandis que son jeune reporter
vedette, également sorti de Yale – mais qui, lui, a tout compris –, s'échine
(avec succès et avec l'aide de Nestor, notre jeune policier cubain) à traquer
le scoop qui lui permettra de se faire une place à la hauteur de son
ambition... et je n'évoque là que neuf des personnages de Bloody Miami, qui
couvre tout le spectre social de cette mégapole multiethnique. J'espère qu'ils
vous plairont. C'est un roman, mais je ne peux m'empêcher de me poser cette
question : et si nous étions en train d'y contempler l'aurore de l'avenir de
l'Amérique ?
La 7 de la page 7: “C’est tout juste s’il ne
voyait pas, les lubrifiants et les spirochètes suintés dans l’entrejambe de
leurs micro micro-shorts?”
Avec “Bloody Miami”,
Tom Wolfe ne signe sans doute pas son plus grand roman. Mais ce n’est pas pour
autant que ce livre n’est pas rondement mené. Commençons par l’écriture,
toujours aussi magistrale, de Wolfe. Il nous emmène, littéralement, à Miami. On
y étouffe sous sa plume si efficace qu’elle nous fait ressentir chaque brise et
courber l’échine sous la chaleur de la Floride. L’histoire, ensuite. Comme
toujours, Wolfe prend un personnage principal, ici Nestor Camacho, afin de
disséquer une société construite sur l'émigration, les trafics et un sens de
l’honneur parfois dérisoire. Son personnage est pathétique, minable. Il tente
de s’élever socialement sans se rendre compte de ses capacités et de ses
défauts plus qu’handicapants. Entre amour et trahisons, Wolfe nous fait
détester ce personnage médiocre qui est pourtant loin d’être lisse. C’est
peut-être pour cela que Camacho nous hérisse le poil, il est humain tout
simplement. Une brique, comme toujours avec Wolfe, qui n’est certes pas aussi
bonne à avaler que “Le bûcher des vanités” pour ne citer que lui mais qui ne
nous laisse pas non plus une indigestion. A lire quand vous avez un peu de
temps devant vous.
Extrait: “Miami est à ma connaissance
la seule ville du monde – du monde, je dis bien- dont la population soit
composée à plus de cinquante pour cent d'immigrés récents... d'immigrés
récents, arrivés au cours des cinquante dernières années... ce n'est pas rien
quand on y pense. Et ça donne quoi ? Ca donne – je discutais avec une dame à ce
sujet l'autre jour, une Haïtienne, et elle m'a dit, « Dio, si vous voulez
vraiment comprendre Miami, il y a une chose que vous devez savoir avant tout. A
Miami, tout le monde déteste tout le monde. “
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