Ed. Le Livre de Poche 2008. Pages 150.
Résumé: Jeanne, la narratrice, pourrait être la petite soeur d'Alice, précipitée
dans un monde où les repères familiers sont bouleversés. Avec son frère
aîné, Thomas, elle voyage beaucoup. Un jour leur bateau fait naufrage
et, seuls rescapés, ils échouent miraculeusement sur une île inconnue.
Mais la tempête les avait tant secoués qu'elle les avait vidés de leurs
mots, privés de parole. Accueillis par Monsieur Henri, un musicien poète
et charmeur, ils découvriront un territoire magique où les mots mènent
leur vie : ils se déguisent, se maquillent, se marient.
La 7 de la page 7: "Et alors? Les petits Français n'ont pas droit à de la science exacte?"
L'histoire du roman n'est que prétexte. Pas besoin de s'y attarder.
Par contre, le texte en lui-même... Envoûtant, enivrant.
Orsenna joue avec les mots, les phrases, leur donne vie et substance comme personne. Le sujet de ce livre ce sont les mots eux-mêmes, ils en sont les héros. On lit tout haut les mots afin de les faire rouler dans notre bouche. Orsenna nous fait redécouvrir le Mot de manière spectaculaire. On aurait voulu que le professeur de français nous parle de la grammaire et du vocabulaire avec le même talent qu'Orsenna. C'est splendidement écrit et un véritable plaisir rêveur à lire. Un petit bijou à lire au plus vite.
Extrait: "A vrai dire, c'étaient de drôles de mariages. Plutôt des amitiés. Comme dans les écoles d'autrefois, quand elles n'étaient pas mixtes. Au royaume des mots, les garçons restent avec les garçons et les filles avec les filles. L'article entrait par une porte, l'adjectif par une autre. Le nom arrivait le dernier. Ils disparaissaient tous les trois. Le toit de la mairie me les cachait. J'aurais tout donné pour assister à la cérémonie. J'imagine que le maire devait leur rappeler leurs droits et leurs devoirs, qu'ils étaient désormais unis pour le meilleur et pour le pire. Ils ressortaient ensemble se tenant par la main, accordés, tout masculin ou tout féminin: le château enchanté, la maison hantée... Peut-être qu'à l'intérieur le maire avait installé un distributeur automatique, les adjectifs s'y ravitaillaient en "e" final pour se marier avec un nom féminin. Rien de plus docile et souple que le sexe d'un adjectif. Il change à volonté, il s'adapte au client."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire