Ed. Gallimard (Scripto) 2012. Pages 473.
Résumé: "19 avril 1936. Bientôt minuit. Je vais naître dans une minute
exactement. Je vais voir le jour le 20 avril. Date anniversaire de notre
Fürher. Je serai ainsi béni des dieux germaniques et l'on verra en moi
le premier-né de la race suprême. La race aryenne. Celle qui désormais
régnera en maître sur le monde. Je suis l'enfant du futur. Conçu sans
amour. Sans Dieu. Sans loi. Sans rien d'autre que la force et la rage.
Je mordrai au lieu de téter. Je hurlerai au lieu de gazouiller. Je
haïrai au lieu d'aimer. Heil Hitler !"Max est le prototype parfait du
programme "Lebensborn" initié par Himmler. Des femmes sélectionnées par
les nazis mettent au monde de purs représentants de la race aryenne,
jeunesse idéale destinée à régénérer l'Allemagne puis l'Europe occupée
par le Reich.
La 7 de la page 7: "Ce serait terrible!..."
Le roman débute sur un style brutal et
parlé qui pourrait rebuter certains mais qui ne m'a pas dérangée.
Le personnage de Max est paradoxal. On
adorerait le haïr mais il n'est qu'un enfant. Ses propos sont infâmes même si
ils ont été souvent prononcés dans une période sombre de notre histoire. On
voudrait pouvoir juger Max mais le fait qu'il soit un pur produit nazi nous en
empêche. Et c'est justement là que réside toute l'intelligence du livre. Il met
en scène un petit être effroyable mais conditionné. De ce fait, il nous est
difficile de le juger catégoriquement. Car son conditionnement ne lui
permet pas de prendre du recul par rapport aux propos qu'il tient. Il est une
page vierge sur laquelle les nazis ont imprimé leur doctrine avant même qu'il
ne naisse. Et là réside toute l'efficacité du livre. On sait qu'il pense
réellement ce qu'il dit mais il ne comprend pas l'implication de ses paroles.
Est-il responsable? Ce n'est qu'un enfant... Même si on voudrait qu'il
comprenne les atrocités qu'il dit ou même commet, on ne peut pas vraiment le
blâmer car il n'a pas la moindre idée qu'on l'utilise. C'est une arme de
propagande et un outil de guerre.
L'arrivée de Lukas fait avancer l'histoire
dans des sphères qu'on avait pas venu venir. L'histoire prend un nouveau
tournant, plus émotionnel et moins clinique. Lukas est l'élément subversif. Non
seulement il incarne tout ce que Max est sensé haïr mais Max s'attache à
lui.
Max cogite. Lukas met à mal toutes les
théories qui ont donné la vie à Max. Lukas est l'antithèse de Max. Il change
tout. De nouvelles perspectives se profilent. La relation entre les deux
personnages est essentielle et pure.
"Max" est un livre à lire. Tout
le monde devrait l'avoir dans sa bibliothèque.
Peu orthodoxe, peu politiquement correct, complètement décalé mais
symboliquement superbe.
Extrait: "Exercice de maniement du couteau. La cible sur laquelle nous nous
exerçons n'est pas un disque où sont tracés une succession de cercles
concentriques. L'instructeur en a fait fabriquer une spécialement pour
notre groupe, afin de nous motiver tout en nous amusant. C'est une
silhouette d'homme, grandeur nature. Elle représente un Juif. Un vieux
Juif au nez plongeant sur la bouche, vêtu de hardes noires et
crasseuses, aux doigts crochus en forme de pinces. Il a un abdomen
difforme et, à la place du cœur, une grosse pièce d'or. C'est bien
évidemment cette pièce que nous devons viser si nous voulons réussir
notre tir."
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