dimanche 25 octobre 2015

"Max" de Sarah Cohen-Scali

"Max" de Sarah Cohen-Scali
Ed. Gallimard (Scripto) 2012. Pages 473. 

Résumé: "19 avril 1936. Bientôt minuit. Je vais naître dans une minute exactement. Je vais voir le jour le 20 avril. Date anniversaire de notre Fürher. Je serai ainsi béni des dieux germaniques et l'on verra en moi le premier-né de la race suprême. La race aryenne. Celle qui désormais régnera en maître sur le monde. Je suis l'enfant du futur. Conçu sans amour. Sans Dieu. Sans loi. Sans rien d'autre que la force et la rage. Je mordrai au lieu de téter. Je hurlerai au lieu de gazouiller. Je haïrai au lieu d'aimer. Heil Hitler !"Max est le prototype parfait du programme "Lebensborn" initié par Himmler. Des femmes sélectionnées par les nazis mettent au monde de purs représentants de la race aryenne, jeunesse idéale destinée à régénérer l'Allemagne puis l'Europe occupée par le Reich.

La 7 de la page 7: "Ce serait terrible!..." 


Le roman débute sur un style brutal et parlé qui pourrait rebuter certains mais qui ne m'a pas dérangée. 
Le personnage de Max est paradoxal. On adorerait le haïr mais il n'est qu'un enfant. Ses propos sont infâmes même si ils ont été souvent prononcés dans une période sombre de notre histoire. On voudrait pouvoir juger Max mais le fait qu'il soit un pur produit nazi nous en empêche. Et c'est justement là que réside toute l'intelligence du livre. Il met en scène un petit être effroyable mais conditionné. De ce fait, il nous est difficile de le juger catégoriquement.  Car son conditionnement ne lui permet pas de prendre du recul par rapport aux propos qu'il tient. Il est une page vierge sur laquelle les nazis ont imprimé leur doctrine avant même qu'il ne naisse. Et là réside toute l'efficacité du livre. On sait qu'il pense réellement ce qu'il dit mais il ne comprend pas l'implication de ses paroles. Est-il responsable? Ce n'est qu'un enfant... Même si on voudrait qu'il comprenne les atrocités qu'il dit ou même commet, on ne peut pas vraiment le blâmer car il n'a pas la moindre idée qu'on l'utilise. C'est une arme de propagande et un outil de guerre.
L'arrivée de Lukas fait avancer l'histoire dans des sphères qu'on avait pas venu venir. L'histoire prend un nouveau tournant, plus émotionnel et moins clinique. Lukas est l'élément subversif. Non seulement il incarne tout ce que Max est sensé haïr mais Max s'attache à lui. 
Max cogite. Lukas met à mal toutes les théories qui ont donné la vie à Max. Lukas est l'antithèse de Max. Il change tout. De nouvelles perspectives se profilent. La relation entre les deux personnages est essentielle et pure. 
"Max" est un livre à lire. Tout le monde devrait l'avoir dans sa bibliothèque. Peu orthodoxe, peu politiquement correct, complètement décalé mais symboliquement superbe. 


Extrait: "Exercice de maniement du couteau. La cible sur laquelle nous nous exerçons n'est pas un disque où sont tracés une succession de cercles concentriques. L'instructeur en a fait fabriquer une spécialement pour notre groupe, afin de nous motiver tout en nous amusant. C'est une silhouette d'homme, grandeur nature. Elle représente un Juif. Un vieux Juif au nez plongeant sur la bouche, vêtu de hardes noires et crasseuses, aux doigts crochus en forme de pinces. Il a un abdomen difforme et, à la place du cœur, une grosse pièce d'or. C'est bien évidemment cette pièce que nous devons viser si nous voulons réussir notre tir."

 

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